L'Ong l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) appelle la France à profiter de la présence sur son territoire d'Abdellatif Hammouchi, directeur général du contre-espionnage marocain (Direction générale de la surveillance du territoire-DST) pour l'auditionner au sujet de deux plaintes pour torture contre le Maroc. La première plainte a été déposée pour que la lumière soit faite sur les tortures subies par le militant sahraoui des droits de l'homme, Naama Asfari. Celui-ci a été condamné en février 2013 à une lourde peine de 30 ans de détention par la justice militaire marocaine sur la base d'aveux signés sous la torture. Ce militant pour l'autodétermination du peuple sahraoui a été battu et affamé dans les prisons d'El Ayoun en novembre 2010 par les éléments de la police et la gendarmerie marocaines. Il a été condamné pour "constitution d'une bande criminelle et complicité de violence avec préméditation ayant entrainé la mort d'agents des forces publiques dans l'accomplissement de leurs fonctions". Naama Asfari et son épouse, Claude Mangin, de nationalité française, ont adressé une plainte pénale au doyen des juges d'instruction de Paris. L'ACAT s'est constituée partie civile aux côtés des victimes. La justice française peut enquêter au nom de la compétence universelle, en raison de la présence en France de Hammouchi, a-t-on précisé de source judiciaire. Me Joseph Breham, avocat de Naama Asfari et de son épouse, a indiqué que la plainte déposée en France doit amener la justice française à "identifier les auteurs et donneurs d'ordre des tortures fréquemment infligées aux militants sahraouis", ajoutant qu'"actuellement, l'Etat de droit est tel au Maroc qu'une telle enquête n'y est pas possible". La même plainte a été déposée auprès de l'Onu, par l'ACAT et Me Joseph Breham. La responsable des programmes Maghreb/Moyen-Orient de l'ACAT, Helene Legeay, a précisé que l'Ong demande "aux autorités françaises de profiter de la présence de Abdellatif Hammouchi, pour l'entendre dans le cadre des plaintes que nous avons déposées à Paris". Présent en France depuis quelques jours, le patron de la DST fait partie de la délégation menée par le ministre marocain de l'Intérieur Mohamed Hassad, pour rencontrer ses homologues français, espagnol et portugais à Paris. Le Maroc est également visé dans une autre plainte concernant cette fois-ci deux Franco-marocains. Il s'agit de celles de Mustapha Naim et Adil Lamtalsi, déposée en mai 2013 pour "aveux extorqués sous la torture au centre de Temara". Condamnés respectivement à 5 ans et 10 ans de prison, ils avaient été transférés en France pour terminer leurs peines. Selon les déclarations à l'époque, d'une avocate au cabinet de Me William Bourdon (membre de l'Acat), la plainte ne visait pas des noms spécifiques "pour des considérations diplomatiques". Elle expliquait que c'était "au juge d'instruction de viser des personnes bien déterminées". Cette plainte a donné lieu à l'ouverture fin 2013 d'une information judiciaire à Paris où Hammouchi est visé pour "complicité de torture". "Nous espérons que le parquet ne sacrifiera pas la nécessité de lutter contre la torture sur l'autel des bonnes relations avec le Maroc", a relevé l'avocat des plaignants Me Joseph Breham.