Les MAE de plusieurs pays arabes réunis en Arabie saoudite pour discuter des relations avec la Syrie ont convenu que la région devait jouer un «rôle de premier plan» dans la résolution de la crise syrienne, a annoncé Riyadh hier. L'Arabie saoudite a accueilli vendredi soir une réunion de pays arabes à Djeddah (ouest) après plus d'une décennie d'isolement diplomatique du gouvernement de Bachar al-Assad et en pleine détente entre Riyadh et Téhéran. Les chefs de la diplomatie des six pays du Conseil de coopération du Golfe (Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie saoudite et Emirats arabes unis), ainsi que leurs homologues égyptien, irakien et jordanien ont discuté de l'importance pour les pays arabes de «jouer un rôle de premier plan dans les initiatives visant à mettre fin à la crise» en Syrie, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères saoudien diffusé samedi. Ils ont dialogué autour des «mécanismes nécessaires pour ce rôle» et sont convenus de multiplier «les consultations entre les pays arabes pour garantir le succès de ces efforts». La participation d'un représentant du régime de Damas à cette réunion n'a pas été annoncée. Damas était isolé sur le plan diplomatique depuis 2011 et le déclenchement d'un conflit dévastateur. Toujours exclue de la Ligue arabe, la Syrie a été approchée récemment par plusieurs pays dont l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et la Tunisie, notamment après le grave séisme de février. Chef de file des pays du Golfe, la riche monarchie pétrolière saoudienne avait rompu ses relations en 2012 avec Damas et même soutenu des rebelles au début de la guerre, dans un pays devenu un terrain d'affrontement entre forces étrangères. Le conflit a fait environ un demi-million de morts, près de la moitié des Syriens sont désormais des réfugiés ou des déplacés et quelques pans du territoire échappent encore au contrôle du gouvernement. En mars, la Syrie et l'Arabie saoudite avaient eu des discussions sur une reprise de leurs services consulaires et mercredi, le ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal Moqdad a été reçu par son homologue saoudien Fayçal ben Farhane pour la première visite du genre depuis le début de la guerre. Dans un communiqué commun, les deux responsables ont évoqué l'objectif de «ramener la Syrie dans le giron arabe». Bachar al-Assad mise sur une pleine normalisation avec les riches monarchies du Golfe pour financer la reconstruction de son pays aux infrastructures ravagées par la guerre. Mais la question ne fait pas l'unanimité. La réunion de Jeddah «vise à surmonter autant que possible les divergences du Golfe sur la Syrie», a affirmé un diplomate arabe à Riyadh. «Les Saoudiens essaient au moins de s'assurer que le Qatar ne s'opposera pas au retour de la Syrie dans la Ligue arabe», a-t-il ajouté, alors que le prochain sommet de l'organisation panarabe est prévu le 19 mai en Arabie saoudite. Le Qatar reste en effet hostile à la normalisation avec Bachar al-Assad. Jeudi, son Premier ministre Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani a qualifié de «spéculations» les déclarations sur un retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe, jugeant que les raisons de son expulsion étaient toujours d'actualité. «La décision appartient au peuple syrien», a-t-il ajouté. L'éventuel retour de Bachar al-Assad sur la scène arabe provoque par ailleurs la colère dans les territoires syriens aux mains des rebelles et terroristes, à Idlib (nord-ouest). Le pas de l'Arabie saoudite vers la Syrie survient alors que le royaume tente par ailleurs de se sortir de la guerre au Yémen, dans laquelle il est impliqué depuis 2015 pour appuyer les forces gouvernementales contre les rebelles Houthis, proches de l'Iran. Il intervient dans un contexte d'apaisement des tensions avec son grand rival régional, l'Iran, qui soutient bec et ongles le régime de Damas. Les deux poids lourds du Moyen-Orient avaient rompu leurs liens en 2016 après l'attaque de missions diplomatiques saoudiennes en Iran par des manifestants qui dénonçaient l'exécution dans le royaume d'un religieux chiite. En mars, l'Arabie saoudite et Téhéran ont conclu un accord inattendu, négocié par la Chine, en vue d'une reprise de leurs relations, et une visite à Riyadh du président iranien Ebrahim Raïssi est prévue fin avril. Les deux pays se sont engagés à oeuvrer ensemble pour «la sécurité et la stabilité de la région».