Légalisée et encadrée par une agence dédiée, l'activité illicite du cannabis et de toutes sortes de drogues génère des milliards de dollars de revenus et finance désormais l'économie du Maroc, pays classé premier producteur mondial de cette substance dangereuse cultivée dans le Rif, région soumise à une véritable politique de «terre brûlée» pour en finir avec son esprit contestataire. Sous le subterfuge de «fins médicales, cosmétiques et industrielles», le Makhzen a décidé de légaliser la «culture» du cannabis pour faire de ce trafic une de ses principales sources de revenus, ainsi qu'un moyen de nourrir ses réseaux de corruption à grande échelle, en sacrifiant toute une région qui lui était toujours hostile, soulignent des parties de la société civile marocaine et plusieurs instances internationales ayant eu à traiter ce dossier. Dans un récent rapport, l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) s'était alarmé de l'ampleur de ce phénomène, en désignant le Maroc comme «la plaque tournante du trafic de la drogue et du kif dans le monde». Une étude de l'Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (un réseau indépendant) a évalué, quant à elle, la production marocaine annuelle de cannabis à plus de 700 tonnes, pour une valeur de 23 milliards de dollars. Pour sa part, le Centre international pour la fiscalité et le développement, qui avait consacré une analyse à ce sujet, a relevé que l'enjeu principal de la légalisation du cannabis au Royaume était celui de «mobiliser de nouvelles recettes financières» pour financer son économie, tout en mettant en garde contre les «répercussions sur les réserves de sol et d'eau de cette culture» sur les régions concernées. Figurant en première place des pays producteurs de cannabis dans le monde, le Maroc mise de plus en plus sur ce trafic pour engranger des recettes et pour faire taire les tensions dans le Rif, notamment dans les provinces d'Al-Hoceima, de Chefchaouen et de Taounate, régions surpeuplées et soumises à la pauvreté extrême et qui dépendent du cannabis. Les profits générés par le trafic de haschisch et de drogue dure sont d'une ampleur financière telle qu'ils permettent au Royaume de nourrir la corruption, soulignent deux chercheurs européens, dans un ouvrage consacré à «l'économie de la drogue et réseaux de corruption au Maroc». Les auteurs de cette étude confirment que la «culture» du cannabis représente au Maroc la plus importante source de devises dans l'économie du pays, tout en précisant que «les profits de la drogue sont à l'origine de réseaux de corruption et de clientélisme allant du village aux plus hauts niveaux des autorités de l'Etat et que ces réseaux se prolongent jusqu'à l'Europe». Ces données en effet appuyées par l'organisation internationale de police criminelle (Interpol), estimant qu'environ 90% du haschisch saisi en Europe provenait du Rif marocain. Le département d'Etat américain s'était également inquiété de l'ampleur du blanchiment d'argent au Maroc issu du trafic de cannabis et du transit de la cocaïne destinée à l'Europe. Dans un de ses rapports sur ce phénomène, il avait évalué le trafic de drogue et du haschisch à près de 23% du PIB du Maroc.