Une «guérilla diplomatique» qui se transforme en bataille psychologique structurée, un peuple soudé autour d'un mouvement de libération et le fiasco d'une guerre coloniale symbolisé par une défaite notoire telles sont les causes qui ont provoqué la déroute du colonialisme français en Algérie. L'orientation imprimée à la plate-forme de la Soummam, le mois d'Août 1956- devait consacrer la primauté du politique sur le militaire. Cette plate-forme se voulait être l'acte fondateur du futur Etat algérien moderne et aussi une analyse critique de la situation militaire, politique, économique, sociale et culturelle imposée par le système colonial de l'époque. La prise en compte de la particularité sociologique de l'Algérie colonisée est un des aspects les plus déterminants sur lequel repose cette analyse et donne une réforme sans complaisance à ceux qui voulaient faire croire que la guerre de Libération était menée par une poignée de rebelles en haillons, «incultes» de surcroît, démunis des outils psychologiques nécessaires à sa propagation, mettant en doute la concrétisation et l'aboutissement à l'indépendance. Le nationalisme, intégré dans cette stratégie, comme phénomène universel dont la résultante est une évolution naturelle à laquelle adhèrent tous les peuples qui sortent d'une profonde léthargie, a pris en compte le caractère révolutionnaire de la paysannerie et des fellahs algériens en particulier ainsi que la protection de la classe ouvrière algérienne embryonnaire et surtout établie en France, contre l'influence des principaux syndicats français CGT, FO, Cftc qui ont plongé le monde ouvrier dans une pauvreté quasi générale. C'est en ce sens la naissance de l'Ugta, son expression même a été inscrite dans le but de la destruction de l'idéologie colonialiste responsable de la misère et de la détresse humaine. La stratégie de la plate-forme de la Soummam avait intégré l'action politique de l'armée d'occupation qui obnubilée par ses déboires en Indochine, avait décidé de privilégier «l'action psychologique». La leçon tirée de l'échec indochinois a conduit la guerre coloniale menée en Algérie à une question de moral, saper celui du soulèvement algérien en lui portant des coups sévères sur le plan militaire et en le présentant comme un mouvement d'aventuriers, le couper de sa base tout en rassurant les populations civiles. Une guerre «subversive» dont les paris se sont avérés difficiles à tenir. Hausser le pari militaire jusqu'à l'inclure sur la scène internationale dont les clefs leur échappaient. Pensant pouvoir affaiblir le mouvement insurrectionnel, c'est l'effet contraire qui s'est produit puisqu'ils n'auront réussi qu'à le médiatiser et le valoriser jusqu'à ce qu'il soulève un élan de sympathie sans précédent au niveau mondial. Pensant discréditer la révolution en marche, en la taxant de «marxiste-léniniste» auprès des véritables destinataires de ce message, cela n'a eu cependant aucun effet sur la population algérienne. L'armée de Libération nationale a tenu tête, malgré un armement dérisoire, à une armée moderne d'un des Etats les plus puissants du monde mais elle a surtout bénéficié d'un soutien sans failles du peuple algérien, ce qui a rendu impossible la solution militaire pour résoudre le problème algérien. Affaiblie par l'évolution de l'opinion publique française lasse de voir revenir ses enfants dans des cercueils, doublé des tentatives d'isoler les maquis de la solidarité du peuple algérien qui devait être complète par des actions en vue d'isoler, la révolution algérienne des peuples anticolonialistes sur le plan international, le pouvoir colonial a vu ses plans déjoués par la stratégie édictée par la plate-forme du Congrès de la Soummam. Les perspectives d'action devaient s'appuyer de façon particulière sur les couches sociales révolutionnaires, fellahs, ouvriers agricoles, durement touchées par la répression mais aussi par la spoliation de leurs terres. Mener des contre-offensives intelligentes pour renforcer l'énergie populaire libératrice et enfin développer l'action diplomatique en mettant en évidence le caractère juste de la guerre de Libération nationale, d'ascension irréversible du mouvement national sur la scène internationale a entraîné une réaction en chaîne des ex-pays colonisés qui a renforcé l'urgence du règlement d'un conflit armé qui risquait de faire tâche d'huile dans le bassin méditerranéen, en Afrique et au Moyen-Orient. Le désastre de cette bataille psychologique d'envergure a annoncé la naissance d'une brillante diplomatie née dans les maquis.