La jeunesse d'aujourd'hui s'étonne parfois des rancunes restées encore intactes. Cinquante ans après, le Congrès de la Soummam est toujours sujet à polémique. Faute d'avoir fait un travail de mémoire et entrepris l'écriture de l'histoire sur le sujet, en temps voulu, c'est-à-dire avant la disparition des acteurs réels des faits d'armes et témoins de l'évolution des événements depuis le déclenchement de la Révolution, le 1er Novembre 1954 jusqu'à la proclamation de l‘indépendance, le 5 Juillet 1962, la question restera posée. Quels auront été les enjeux de ce congrès sur le plan interne et ses conséquences sur la suite du parcours de la Révolution et surtout sur le devenir de l'Algérie libérée. Cette carence a eu pour conséquence directe de provoquer une certaine rupture dans la transmission de l'héritage révolutionnaire à la nouvelle génération qui sera plus marquée par les luttes et les contradictions concernant la manière avec laquelle a été menée la Révolution que par l'extraordinaire résurrection d'un peuple poussé jusqu'au seuil de la porte de sortie de l'histoire des Nations. La jeunesse d'aujourd'hui, qui constitue la majorité de la société algérienne, s'étonne, parfois, des rancunes et des animosités restées encore intactes, des décennies après la victoire historique d'une idée d'émancipation sur le joug du colonialisme qui s'est enraciné 132 ans durant dans cette terre d'Algérie. Les jeunes d'aujourd'hui sont ainsi avides de connaître les raisons de la liquidation du maître d'oeuvre du Congrès de la Soummam et s'interrogent comment ses exécutants et leurs commanditaires ont pu fréquenter les mêmes tranchées que lui pour combattre l'ennemi. Restée des années frappée du sceau de «secret d'Etat» soigneusement gardée par les tenants du pouvoir dans le pays, l'information faisant état de son assassinat par ses compagnons d'armes est aujourd'hui admise et relance le débat sur la nécessité d'éclairer l'opinion publique sur les véritables raisons des divergences nées, dans le feu de l'action, au sujet de la tenue de ce congrès que les manuels scolaires, en Algérie, ont toujours présenté comme le véritable organigramme de la lutte armée et la feuille de route menant vers la création d'un Etat. Les Algériens d'aujourd'hui, du moins les jeunes, sont assez mûrs et prêts pour assister à un débat d'idées qui puisse participer à éclairer davantage leur lanterne sur des pans entiers de leur histoire. D'autant que certaines figures de la Révolution n'ont pas hésité à dépoussiérer ce dossier et bien d'autres pour faire connaître leurs opinions et positions. La jeunesse algérienne n'a retenu de toute cette histoire que le fait que l'un des stratèges de la Révolution a été éliminé par ses frères de combat et que ce conclave a consacré la prééminence du civil sur le militaire. Elle saura, peut-être, un jour, que ce congrès a été le premier acte fondateur de la Nation en assurant l'adhésion de différents courants politiques et idéologiques à la lutte armée et à l'union des rangs. Une option stratégique sujette à une divergence d'opinions. Les sorties médiatiques répétées de Ahmed Ben bella et de Ali Kafi, deux hommes qui ont la particularité d'avoir occupé le poste de premier magistrat du pays, sur le sujet, représentent une frange des adversaires de la tenue de ce congrès mais les arguments apportés à leur position sont un peu légers. Dire par exemple que Abane Ramdane est un traître est une affirmation qui a fait frémir la nouvelle génération qui veut bien revisiter l'histoire de l'Algérie pour donner à tout un chacun la place qui lui sied. L'éplucher pour pouvoir trier le bon grain de l'ivraie. Les révolutions ont, de tout temps, enfanté des traîtres et des héros et la frontière entre les deux statuts ne tient parfois qu'à un fil qui peut se traduire par une déclaration, un geste, une position ou un événement. Est parfois traître, aussi, celui qui s'approprie les luttes et les sacrifices de plusieurs générations en souillant la mémoire des uns et en occultant le sacrifice des autres. Les vérités d'aujourd'hui peuvent ne pas être celles de demain sauf si des acteurs neutres interviennent pour apporter le poids d'objectivité qui sied. Pour toutes ces raisons, l'histoire est appelée à être écrite en toute vérité car on ne peut pas la changer ni la travestir éternellement.