Keddache, Malaïka, Mechati, Khatib et Ould El-Hocine faisaient partie des hôtes de marque lors de la cérémonie-dédicace de ce volume à lire absolument. Modeste mais direct, le mot au bout du coeur, comme l'était jadis la balle à celui du canon, le moudjahid Mohamed Saïki, ancien capitaine de l'ALN, éclaire d'un jour nouveau la guerre de Libération nationale, notamment certains de ses aspects les plus sombres, tels que la «bleuite» ou bien le congrès inachevé de Tripoli, mais aussi la réunion historique des colonels. «Nous sommes les archives du pays, des archives vivantes», a-t-il tenu à souligner face au black-out qui continue d'entourer ce pan de notre histoire tant que l'écrit ne brosse pas dans le sens du poil, et la désinformation éhontée que continue d'exercer la France, occupée dès la fin des années cinquante à falsifier cette page peu glorieuse de son passé colonial. Youcef Khatib, alias colonel Hassen, ancien chef de la fameuse Wilaya IV, a lui aussi longuement abondé dans ce sens en indiquant que «si l'histoire ne pardonne pas», il devient «pour le moins urgent d'écrire, et de traquer la vérité où qu'elle se trouve». Ce n'est pas tout. Même les traductions en français sont rendues nécessaires puisqu'il est établi que c'est également à eux que doit être dite, sinon rappelée, la vérité toute nue. «Il faut que les Français lisent ce que les officiers de l'ALN écrivent.» Une initiative de ce genre est saluée par de très grands noms de la guerre de Libération nationale, présents hier au Club du Moudjahid, tels que Mohamed Ould El-Hocine, Mechati, Djelloul Malaïka, et Mahfoud Kaddache. L'initiative, il faut le dire, a ceci de particulier qu'elle constitue un des rares et premiers témoignages directs édités dans un livre fait par un officier qui a vécu de près des événements historiques de la plus haute importance. C'est sans complaisance ni faux-fuyants, que Mohamed Saïki évoque le sujet douloureux de la bleuïte, une action menée par le service manipulation des espions français et qui avait amené de grands noms de la lutte armée algérienne à liquider des centaines de personnes représentant l'élite de demain. La réunion des colonels, chefs de wilaya, en décembre 1958. Historique et déterminante, la rencontre n'en a pas moins été bien souvent «escamotée» par les archives officielles tant elle trahissait le «lâchage» dont a fini par être victime la guerre de Libération de la part des moudjahidine réfugiés en Tunisie et au Maroc pour devenir la fameuse armée des frontières. La Wilaya IV, sans doute, se trouvant au centre du pays, et appliquant scrupuleusement les consignes du Congrès de la Soummam, dénoncé après l'assassinant d'Abane Ramdane, en a sans doute le plus souffert. Elle est aussi la zone qui détient le plus d'archives écrites et photos parce qu'elle a oeuvré jusqu'au bout à respecter le congrès cité plus haut, adressant ainsi des rapports mensuels circonstanciés aux instances supérieures en charge de la guerre de Libération nationale. Sans citer tout à fait le sentier sinueux de la polémique, Mohamed Saïki cite le cas des 3500 moudjahidine qui se seraient rendus aux commandos de chasse, comme le soutient Benjamin Stora dans son livre. «C'est faux, archifaux», s'indigne-t-il, citant à l'appui de ce démenti une enquête faite auprès de l'ensemble des officiers encore vivants à travers le pays. Pour ne citer que le cas de la Wilaya VI, ce chiffre n'était que de 100, ce qui fait que l'estimation finale, aussi grossie soit-elle, ne saurait excéder un millier de moudjahidine. Mais, pour quitter la polémique, il faut dire que ce livre s'est voulu avant tout être un témoignage vivant de la part de quelqu'un qui a vécu de près la guerre de Libération nationale. Des livres de ce genre, véritable trésor pour les historiens, sont à encourager vivement. Le Club du moudjahid, qui n'est pas en reste dans cette quête, doit clôturer très bientôt le millième témoignage filmé fait avec les moudjahidine vivants. Mohamed Saïki Mémoire d'un capitaine de l'ALN Chronique des années de gloire Editions Dar El-Gharb 496 pages. Année 2004