On dit que tous les chemins mènent à Rome, une allusion au rayonnement de l'Empire romain, avec ses 90 000 km de routes pavées à travers tous les pays conquis et convergeant vers la ville éternelle mais aussi une référence au Saint-Siège de l'Eglise catholique et romaine de la chrétienté. Pourtant, c'est à Carthage que Giorgia Meloni vient d'effectuer une visite de travail et d'amitié lourde de sens et, espère-t-on, de conséquences. Voilà des semaines que la présidente du Conseil italien (gouvernement) défend, bec et ongles, l'octroi du prêt que le FMI a gelé en raison des désaccords avec le président Kaïs Saïed qui refuse des conditions draconiennes, à savoir la réorganisation des principales entreprises tunisiennes, au motif qu'elles seraient «lourdement endettées», et la fin des subventions étatiques pour les produits de première nécessité. Le scénario n'est pas sans rappeler les évènements dramatiques de la fin décembre 1983, suite à une exigence du même FMI, pour stabiliser l'économie tunisienne. Le gouvernement de l'époque avait, alors, annoncé l'augmentation des prix du pain et des produits céréaliers, notamment la semoule. Les protestations sont d'abord venues du Sud, à Douz, Kébili, El Hamma, Gabès puis Kasserine, avant que le vent de la révolte ne balaie toute la Tunisie. La suite, on la connaît. Comme Meloni, les dirigeants de l'UE savent pertinemment quelles seraient les conséquences d'une Tunisie déstabilisée. C'est pourquoi la cheffe du gouvernement italien, venue à Carthage en terrain conquis, avait trois sujets d'importance à poser sur la table: les défis de la migration, en premier lieu, les négociations avec le FMI, ensuite, et la dette extérieure de la Tunisie, enfin. Avec cet avantage conséquent d'une parfaite entente entre elle et le président Kaïs Saïed, les deux dirigeants partageant, à la faveur de leur première rencontre, une parfaite identité de vues sur des enjeux communs et donc astreints à privilégier, l'union pour le meilleur et pour le pire. Les deux pays traversent, en effet, une situation de crise socio-économique stressante et leur regard se tourne, tout naturellement, vers l'UE qui doit secouer le tiroir-caisse ne serait-ce que pour contenir la vague de migrants dont on voit bien qu'elle risque de s'intensifier de plus en plus avec des côes tunisiennes devenues une tête de pont recherchée. Qualifiée de mission de la dernière chance pour le compte de l'UE, la visite de Giorgia Meloni a donné l'opportunité au président Saïed de mettre en garde contre la pression migratoire, en net essor, et de proposer la conversion de la dette en projets de développement. Sera-t-il seulement entendu?...