Annoncée voilà plusieurs semaines déjà par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, puis renouvelée par le porte- parole du Kremlin, Dmitri Peskov, la probable expiration de l'accord sur les exportations des céréales ukrainiennes plonge les Nations unies, mais aussi les pays tributaires de cette denrée dans une inquiétude grandissante. Voilà à peine deux jours que le président russe lui-même, Vladimir Poutine, a répété cette conviction selon laquelle Moscou «ne voit aucune raison» de prolonger un accord dont les clauses concernant les livraisons d' engrais n'ont pas été respectées alors que les sanctions n'ont pas cessé de pleuvoir et que les avoirs de la Russie, plus de 300 milliards de dollars, sont «gelés» par les puissances occidentales qui parlent de les consacrer à la «reconstruction» de l'Ukraine. Les hauts responsables de l'ONU ne cachent plus leur appréhension quant à un abandon pur et simple du moratoire le 17 juillet prochain, sachant que l'accord sur les céréales avait été conclu après bien des péripéties et de réelles difficultés grâce à la médiation volontaire et déterminée de la Turquie. Une rencontre a eu lieu, voici quelques jours, à Genève où se trouvait la délégation russe et les représentants des Nations unies comptent se rendre à Mosocu avant l'échéance fatidique pour tenter de désamorcer la crise. Mais en échange de quoi? Moscou avait à maintes reprises réclamé le respect des dispositions relatives à ses propres exportations d'engrais, entre autres, et menacé régulièrement de mettre fin à un accord conclu en juillet 2022 dont le Kremlin considère qu'il est étroitement lié à celui, bilatéral, convenu avec l'ONU sur l'engrais russe au moment où le secteur agricole de la Russie est lourdement plombé par les sanctions occidentales. Directrice de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, Mme Rebeca Grynspan affirme que l'organisation est résolue à tout entreprendre pour sauver l'un et l'autre accord en «garantissant leur prolongation dans l'intérêt des pays et des populations les plus vulnérables du monde». Mais Moscou qui accuse Kiev d'avoir détruit le pipeline reliant la ville russe de Togliatti au port d'Odessa d'où sont exportés l'ammoniac et les engrais maintient ses accusations envers les Occidentaux qui, dit la Russie, accaparent les céréales ukrainiennes officiellement destinées à l'Afrique et à l'Asie. Autant dire que l'accord céréalier grâce auquel la hantise d'une famine jamais égalée à travers le monde a pu être évitée au terme d'intenses négociations est réellement en danger. Une nouvelle crise alimentaire mondiale est donc en suspens.