Sur initiative des établissements Arts et culture, Malika Mokeddem sera à Alger les 10, 11 et 12 septembre et le 14 septembre à Oran pour présenter son dernier roman lors d'une rencontre-débat. «J'ai quitté mon père pour apprendre à aimer les hommes, ce continent encore hostile car inconnu. Et je lui dois aussi de savoir me séparer d'eux. Même quand je les ai dans la peau. J'ai grandi parmi des garçons. J'ai été la seule fille de ma classe de la cinquième à la terminale. J'ai été la seule pionne dans l'internat au milieu des hommes...je me suis faite avec eux et contre eux. Ils incarnent tout ce qu'il m'a fallu conquérir, pour accéder à la liberté.» C'est ainsi que l'écrivaine, Malika Mokeddem, écrit dans son dernier roman autobiographique , Mes hommes, sorti en Algérie, aux éditions Sédia dans la collection Mosaïque. Aussi, toute sa vie qui sera marquée de rencontres, notamment masculines, puisqu'il est le propos ici dans ce livre, sera déterminée par cette absence paternelle qui aura duré vingt-quatre ans. Ce père, qui refusera de recevoir son époux français, «ce mécréant» ni entendre parler de ses relations amoureuses. De ce fossé de l'ordre de l'intime père- fille, Malika Mokeddem en souffrira beaucoup et insufflera vraisemblablement et inconsciemment la nature de ce que vont être ses rapports avec les hommes. Bâtis sur l'absence. Toute sa vie n'en sera que départ et quête de liberté. Cette recherche constante de ce vertige inaccessible par delà les montagnes de dunes de son enfance à Kenadsa, à côté de Béchar. Dans Mes hommes, Malika se livre tout en tentant de se délivrer du poids de ce passé jalonné de douleurs que fait naître l'exil, de cette crise de solitude de se sentir constamment être d'«un ailleurs»... Sa première colère, son premier cri de révolte auront pour objet sa prise de conscience de l'inégalité entre la fille qu'elle était et les garçons (ses frères), autrement dit, ce qui se soldera, plus tard, par la soumission des femmes envers les hommes. C'est cette société machiste que rejettera très tôt l'auteur de La transe des Insoumis. Dans ce roman, Malika Mokeddem évoquera tour à tour, son père, ses premières amours, ses Kabyles. Tous des blonds mais aussi son incapacité de s'accommoder de ces fils de riches et donc de papa, pas libres de penser et d'agir par eux-mêmes... Elle racontera sa traversée, du Sud à Oran pour faire ses études universitaires puis son départ pour la France et son mariage à Montpellier avec Jean-Louis qui aura duré dix sept ans et ses voyages avec lui sur le bateau , elle qui ne sait pas nager... Son meilleur ami, Mus qui lui rendra visite en France, son sauveur, le photographe de sa ville et le chauffeur de bus jusqu'aux hommes de ses rêves. Et puis, les hommes qui l'ont portée vers les livres. D'abord, son oncle Kada, le libraire de Béchar, ses professeurs de français du lycée, Akli , son ami, cet autre Kabyle, libre, le surveillant général de l'internat lorsqu'elle était à Oran, ses amis de la librairie Le Molière, Jean Debernards ( le premier libraire à la lire, avant même qu'elle soit éditée) et sa femme Fanette, Maurice Nadeau. Bien sûr, il sera question, dans ce livre, de la vie de tous les jours, avec ses joies, ses amours, ses tourments et ses déceptions. Ses regrets aussi. Ses chagrins essuyés avec l'homme du Canada, la mort de Cédric, ce jeune garçon parti à la fleur de l'âge. Il était le fils d'une de ses meilleures amies, Erica. Le seul, confie Malika Mokeddem, à avoir éveillé en elle la fibre maternelle, elle, l'écorchée vive, qui avait décidé de ne pas avoir d'enfant...Et Malika d'évoqeur encore ces hommes qui ont compté pour elle, d'autres un peu moins, des rencontres fortuites dans la rue ou dans un train, des souvenirs amers, d'autres joyeux, dont on se souvient avec le coeur léger ou gros. Néphrologue à Montpellier, Malika Mokeddem parle de son autre métier, la médecine et parle de ses patients dont elle finit, en partie, par s' attacher. Optimiste et originale, Mes Hommes se termine par un chapitre sur son prochain amour rencontré au hasard de ses pérégrinations.Une bouteille à la mer qu'elle espère voir arriver à bon port? Voilà qu'on retrouve l'esprit combatif de Malika Mokeddem, elle, la courageuse et au caractère trempé dans de l'acier, qui n'a jamais abdiqué face au malheur et a tout fait pour s'en sortir...Sensuelle, l'écriture de Mes Hommes aspire au voyage de l'être et des sens. A la méditation. A la poésie. Ce roman, en plus d'être incroyablement descriptif, se révèle parfois olfactif. Malika y a semé le parfum de son désert lointain et les recettes de cuisine de sa mère. Et cette phrase prend toute sa signification: «Ma vie est ma première oeuvre. Et l'écriture, son souffle sans cesse délivré». Néphrologue à Montpellier, née le 5 octobre 1949 à Kenadsa, Malika Mokeddem a étudié, d'abord, la médecine à Oran avant de s'installer à Montpellier en 1979. Elle arrête l'exercice de sa profession en 1985 pour se consacrer à la littérature. Prix littré, Prix collectif du festival du premier roman de Chambéry et Prix algérien de la fondation Noureddine Aba pour son premier roman publié en 1990, les Hommes qui marchent, Malika Mokeddem obtient aussi le Prix Afrique- Méditerranée de l'Adelf en 1992, pour son second roman Le siècle des sauterelles et le Prix Méditerranée, à Perpignan pour l'interdite en 1994. Malika Mokeddem sera à Alger, les 10, 11 et 12 septembre et le 14 septembre à Oran pour présenter son dernier roman Mes hommes, lors d'une rencontre- débat. Une initiative que compte instituer les éditions Sédia et renouveler, à chaque fois, avec un grand nombre d'auteurs algériens confirmés, de grande notoriété et édités en France, à l'instar de Yasmina Khadra qui, lui, sera parmi nous les 28, 29 et 30 octobre à Alger.