Deux opposants de premier plan au président tunisien Kais Saied, emprisonnés depuis plus de cinq mois, ont été remis en liberté dans la nuit de jeudi à vendredi, mais ils se sont dits inquiets pour leurs compagnons encore détenus. Chaima Issa, membre de la principale coalition d'opposition Front de salut national (FSN), et l'ancien ministre Lazhar Akremi, font partie d'un groupe d'une vingtaine d'opposants et personnalités du monde des affaires arrêtés depuis février dans le cadre d'une enquête pour «complot contre la sûreté de l'Etat». Saied les a qualifiés de «terroristes» mais leurs avocats ont dénoncé des dossiers d'accusation «vide». Le comité de défense, qui avait annoncé la décision de leur remise en liberté, a dit avoir réclamé la libération des autres opposants politiques, mais le juge de la Cour d'appel a rejeté cette demande. Avant eux, le 24 mai, le patron de Mosaïque FM, une radio privé indépendante la plus écoutée de Tunisie, Nouredine Boutar, avait été libéré après avoir été emprisonné dans le cadre de cette enquête, mais sous condition de paiement d'une caution d'un million de dinars (environ 300.000 euros). Il reste poursuivi pour complot contre la sûreté de l'Etat et blanchiment d'argent. Une centaine de manifestants et de proches des opposants et personnalités détenus avaient manifesté jeudi matin pour réclamer leur libération, dénonçant des arrestations motivées par des «raisons politiques». La campagne d'arrestations lancée depuis février a visé des dirigeants politiques de premier plan, dont le co-fondateur du FSN, Jaouhar Ben Mbarek, et le chef du mouvement islamo-conservateur Ennahdha, membre du FSN, Rached Ghannouchi. Plusieurs ONG tunisiennes et internationales ont parlé d'un»régression des droits et des libertés dans le pays depuis le coup de force» par lequel Saied a entamé la refonte des institutions du pays en juillet 2021. Sur un autre plan, la présidente de la Commission européenne, la cheffe du gouvernement italien et le Premier ministre néerlandais vont rencontrer demain à Tunis le président Kais Saied, dans l'objectif de finaliser un partenariat portant notamment sur la migration, a annoncé hier l'exécutif européen. La présidente de la Commission Ursula von der Leyen «se rend en Tunisie dimanche» avec Giorgia Meloni et Mark Rutte, a indiqué la porte-parole, Dana Spinant, précisant qu'ils rencontreraient le président Kais Saied. Elle a rappelé que le trio s'était déjà rendu à Tunis le 11 juin dernier. L'Union européenne a proposé un «partenariat global» à ce pays du Maghreb, assorti d'un soutien financier s'élevant à plus d'un milliard d'euros.»Nous espérons finaliser les discussions que nous avons entamées lors de la dernière visite au mois de juin», a ajouté la porte-parole. Le partenariat en discussion comporte un renforcement des liens économiques et commerciaux et une coopération en matière d'énergie verte, ainsi qu'un volet sur la gestion de la migration. Sur ce point, l'accord vise à empêcher les traversées de migrants depuis les côtes tunisiennes, à lutter contre les passeurs et à renvoyer plus facilement en Tunisie les ressortissants de ce pays qui sont en situation irrégulière dans l'UE. Mais il suscite les critiques d'ONG, en raison du «traitement des migrants subsahariens par les autorités tunisiennes». A la suite d'affrontements ayant coûté la vie à un Tunisien le 3 juillet, des centaines de migrants d'Afrique subsaharienne ont été chassés de Sfax (centre-est), principal point de départ en Tunisie pour l'immigration clandestine, et conduits par les autorités, selon des ONG, vers des zones près de la Libye à l'est, et l'Algérie à l'ouest.