L'humanité, dans son évolution, a transité par plusieurs étapes pour atteindre l'objectivité et la rationalité qui sont les critères de la science. Devant un monde hostile, peuplé d'ogres et autres monstres, face à des phénomènes naturels, objet de frayeur, comme la foudre et le tonnerre, l'homme a cru déceler l'existence d'un autre monde invisible peuplé de créatures maléfiques. Chaque arbre, chaque bocage et chaque rivière qui a une âme, est le lieu d'habitation d'un esprit. Si ces êtres invisibles ont tant de pouvoir, au point de provoquer des cataclysmes naturels, ils sont, à coup sûr, capables d'agir sur le corps et l'esprit des gens. Toute une série de troubles aussi bien organiques que psychiques étaient l'oeuvre de ces êtres cachés. Cette pensée que les scientifiques qualifient d'animiste et qu'on retrouve encore chez les peuples d'Afrique, a longtemps prévalu chez les habitants de la Terre. Les habitants de la péninsule arabique, avant l'événement de l'Islam, croyaient, eux aussi, aux esprits et attribuaient leurs échecs et leurs succès à l'humeur de ces entités. Avec l'avènement de l'Islam, les choses se sont éclaircies puisqu'il est désormais acquis que le seul responsable de tout ce qui arrive aux humains, est Dieu Le Tout-Puissant. Talebs et guérisseurs Dans le Livre sacré, on précise qu'il existe d'autres créatures à côté des hommes, qu'on nomme «djinns». Ce sont ces esprits qui agissent sur l'homme le plus souvent négativement, en créant chez lui toutes sortes de maladies. La science étant peu développée à l'époque, le secours aux esprits invisibles pour expliquer les maladies, était facile. C'est ainsi qu'est apparue toute une littérature dans laquelle on trouve énumérés les noms des «djinns» et leurs éventuels actes. Malgré le développement de la science, les habitants des pays arabes ou musulmans, continuent d'avoir ce type d'explication magique. On ne s'étonne point de voir, en 2006, des personnes instruites recourir aux guérisseurs traditionnels et autres talebs pour soigner des troubles que la médecine moderne n'a pas pu traiter. Toutefois et dans les pays dans lesquels le taux d'instruction est élevé, on constate qu'il y a une avancée vers la rationalité. Ainsi, des maladies comme l'épilepsie étaient auparavant considérées comme découlant de l'action d'entité maléfique invisible. Ne sachant ce qui se passe dans le cerveau de la personne malade et tenant compte du fait que cet organe est le siège de la pensée d'un monde occulte, on pensait que des «djinns» pouvaient agir par la pensée et déclencher des crises. A présent, nous savons que c'est un trouble de l'électricité cérébrale qui en est la cause. Pareil pour les convulsions des petits enfants. Ces convulsions, le plus souvent spectaculaires, rendaient l'enfant bleu et lui ôtaient toute conscience. On attribuait cela à des «djinns» musulmans qui envoûtaient l'enfant. On sait, aujourd'hui, qu'il existe chez certains enfants, une grande sensibilité au niveau du cerveau. Dès qu'il y a une fièvre, l'enfant s'évanouit. Sur un autre volet, les hommes qui, perdant le contrôle de leur personnalité et deviennent «fous», sont dans les croyances anciennes, possédés. Des «djinns» ont pris possession de leur esprit et s'expriment par leur bouche. Ce délire était d'ailleurs vu positivement, puisqu'on essayait d'y trouver des messages. Pour guérir ces malades mentaux, on les amenait de marabout en marabout pour demander l'intervention des saints. La psychiatrie, actuellement, explique ces troubles d'une façon rationnelle. Le malade mental, notamment le psychotique, est une personne qui n'a plus aucun contact avec le réel et le nom de qui l'entoure. Son «moi» disloqué, ne contrôle plus rien, d'où ses délires et ses comportements désordonnés. On peut citer d'autres maladies comme l'atteinte d'un nerf facial qui entraîne la paralysie d'une partie du visage. On a longtemps cru et même à présent, on croit que c'est une gifle donnée par un «djinn». C'est qu'on a beau expliquer à ces malades le mécanisme de leur maladie, ils croient au plus profond d'eux-mêmes que c'est l'oeuvre d'un «djinn». On peut citer le cas des obsédés. Le névrosé obsessionnel serait la proie d'un «wasswass» déclenché par des êtres invisibles maléfiques. La fatigue matinale, l'agressivité épidermique, les insomnies, étaient autrefois attribuées à la magie «s'hour». L'instruction aidant, la vulgarisation des connaissances scientifiques par les médias ont amené notre pays à prendre conscience que beaucoup de troubles, autrefois attribués à des «djounoun», avaient des causes objectives. En fait, plus la science évolue et avance et plus le recours à l'occulte se restreint. Même s'ils continuent à avoir des croyances, ils vont consulter un médecin, passent leur radio, achètent leurs médicaments. Et c'est dans le cas où ces remèdes n'agissent pas qu'ils ont recours à la médecine traditionnelle. Pour l'heure, c'est la «rokia» qui est d'actualité. Un fléau méconnu par la société algérienne, ou, du moins, pas vulgarisé. Recours à l'irrationnel Ce traitement par le Coran, qui fait que la personne habilitée à faire la «rokia» effectue le rituel dans une bouteille d'eau ou d'huile d'olive, a connu une forte expansion au sein de la société algérienne depuis les années 1990. L'ère islamiste, où, se faire traiter chez un médecin, et acheter des médicaments, était considéré comme un péché, non autorisé par la religion. Et que toute maladie trouve son remède dans les versets coraniques. En tout état de cause, ce comportement n'est pas particulier à l'Algérie, on relève que dans un pays développé comme la France, le budget consacré par les ménages à la parapsychologie et aux devins, fait cinq fois le budget de la recherche scientifique. Le recours à l'irrationnel est bien ancré dans l'esprit des gens, même s'ils vivent dans une région développée. Le seul signe d'évolution qu'on observe chez nos compatriotes c'est qu'ils font actuellement part de maladies nouvelles comme la dépression ou le stress. Maladies de la civilisation donc modernes, elles n'ont pas été étudiées dans les vieux livres. Comme celui de «Saout» (médecine et sagesse). Dépassant les données de la culture arabo-musulmane, les Algériens se plaignent de symptômes réels qu'ils attribuent d'office à leur mode de vie. S'ils sont allergiques, c'est la faute à la pollution, s'ils sont nerveux, c'est qu'ils sont stressés. En conclusion, on observe que les croyances relatives aux maladies, notamment dans les centres urbains, tendent à s'effriter, cédant la place aux explications scientifiques sans pour autant éliminer totalement l'esprit des «tolba» et «s'hour».