Nombre de femmes battues subissent en silence leur calvaire et n'ont jamais osé dénoncer leurs époux et encore moins tenté d'entamer une procédure de divorce. Une étude récemment réalisée par l'Institut national de la santé publique en collaboration avec le ministère de la Justice, celui de l'Intérieur, de la Jeunesse et des Sports, de la Solidarité et le Mouvement associatif a fait état qu'environ 9000 femmes sont régulièrement victimes de violence conjugale chaque année en Algérie, selon une source bien au fait du dossier. Il s'agit, aussi inconcevable soit-il, de femmes qui subissent la tyrannie de leurs époux. Ce chiffre exclut évidemment celles qui n'ont jamais osé dénoncer leurs époux, indique, encore notre source. La région ouest du pays se classe en seconde position dans ce décompte, aberrant avec 34% de cas. La palme revient à la contrée est du pays avec 36% de cas par rapport au taux national. Les chiffres fournis par les différents services, qui ont eu malheureusement à venir en aide à ces femmes en détresse, font état de 3746 cas traités par le secteur de la santé, 2444 par ceux de la police, 2130 par les tribunaux et 713 ont été pris en charge par le centre d'écoute. L'âge des victimes varie entre 30 et 33 ans selon les statistiques établies à l'issue de cette enquête qui a touché toutes les régions du pays. La femme mariée vient en pole position avec 50% de cas suivie par les célibataires avec 36,2%. Les mères célibataires sont classées au bas de ce tableau avec 1,6% de cas. L'étude fait également ressortir que la grande majorité des victimes de violences conjugales sont des femmes analphabètes. Avec 30,8% de cas suivis de femmes ayant atteint un niveau d'études supérieures avec 6,1% de cas. Pour la plupart des victimes ayant pour époux un individu violent, de caractère soupe au lait, il a été constaté en conclusion, à l'issue de notre enquête qu'elles sont dans l'impossibilité d'entamer une procédure de divorce car généralement elles n'ont ni où aller s'installer ni disposer de moyens pour subvenir à leur progéniture. Farida, 33 ans... Le cas de cette charmante femme âgée de 33 ans, Farida c'est ainsi que l'on la nommera, originaire de Sétif, s'est mariée une quinzaine d'années auparavant avec Hamid, maçon de son état, natif de la wilaya de Mostaganem, du même âge. Le couple s'est installé dans une maisonnette délabrée, située dans la commune balnéaire d'Aïn El Turck achetée à un prix dérisoire auprès du frère de Hamid. Ce dernier, qui excelle dans la maçonnerie, est parvenu a réhabiliter son nid. «Dès le début de notre union, j'ai constaté que mon époux était très susceptible et se mettait en colère pour une futilité. Il me battait avant de casser toute la vaisselle pour apaiser son ire injustifiée», a confié Farida avec un rictus. «A l'occasion d'une visite chez mes parents, j'ai laissé entendre à ma mère mon intention de divorcer. J'étais enceinte et ma fille aînée était alors âgée d'à peine 6 ans. Pour toute réponse, elle m'a demandé de ne pas me précipiter dans ma décision et de laisser le temps faire les choses. Par la suite toute ma famille eut vent de mon intention. Mon père et mon frère m'ont carrément fait comprendre qu'ils ne voulaient pas d'une divorcée à la maison et ne pouvaient subvenir à mes besoins et à ceux de mes enfants» a-t-elle ajouté avant de renchérir «que diront les gens? m'ont-ils demandé?» Farida est retournée bon gré mal gré à son domicile conjugal où elle subit jusqu'à aujourd'hui les violentes sautes d'humeur imprévisibles de son époux. Le cas de Naïma est différent de celui de Farida. Cette jeune avocate, qui avait épousé quelques années plus tôt Yacine, un commerçant installé à Oran, ne pouvait savoir qu'elle vivrait le calvaire dans sa vie conjugale. «Je savais qu'il lui arrivait de boire de temps à autre mais j'ai découvert un autre homme un soir lorsqu'il était rentré ivre mort à la maison. Il a fermé la porte à double tour et s'est rué sur moi sans aucune explication pour m'infliger une véritable correction. Je portais mon premier enfant et j'ai failli faire une fausse couche. Le lendemain j'ai appelé mes parents qui sont aussitôt venus me chercher. Je suis restée séparée de mon époux presque six mois. Il venait une fois par semaine au domicile de mes parents pour voir notre enfant. Il me semblait avoir changé et avoir regretté de m'avoir battue. Mes parents ont remarqué ce pseudo changement et m'ont priée de me réconcilier avec mon ex-époux et de regagner le domicile conjugal. J'ai obéi sans conviction. Il ne se passa rien pendant plus de deux mois et un autre soir Yacine est encore rentré éméché. Cette fois-ci il m'a battue jusqu'au sang avec sa ceinture. Il m'avait reproché de m'être enfuie du domicile conjugal et d'avoir terni sa réputation auprès de mes parents. Cela a été la dernière fois qu'il m'avait battue car j'ai divorcé par la suite et j'ai repris mon travail que j'avais quitté après mon mariage sur sa demande, ce que je regrette amèrement», a commenté cette avocate les larmes aux yeux. «Ce n'est plus qu'un mauvais souvenir maintenant. J'essaye d'élever mon enfant convenablement en lui enseignant le savoir-vivre afin que plus tard il soit un mari exemplaire», a-t-elle expliqué. Ces deux cas ne sont malheureusement pas isolés en Algérie. La violence conjugale à été à l'origine de tentatives de suicide pour certaines femmes traumatisées, par le comportement ultra-violent de leurs époux, «mon ex-époux m'a carrément envoyé knock-out un matin au niveau de la rue de La Bastille. Je faisais mes emplettes et je discutais de la mauvaise qualité des légumes que tentait de me fourguer un marchand, lorsqu'il s'est rué sur moi par surprise pour me flanquer son poing dans la figure» a confié Mériem, une Oranaise divorcée depuis trois ans. C'était la goutte qui a fait déborder le vase. A la minute où j'ai repris conscience dans un centre de santé, j'avais pris ma décision quitte à faire la manche pour subvenir aux besoins de mes deux enfants. Un soir il m'a tellement battue que j'ai tenté de me donner la mort en ingurgitant des barbituriques, a-t-elle fait remarquer. Nombre de femmes battues subissent en silence leur calvaire et n'ont jamais osé dénoncer leurs époux et encore moins tenté d'entamer une procédure de divorce. «Un tabou» expliqueront crûment certains ; «c'est contraire à nos us et coutumes ainsi qu'à notre religion» diront certains autres illuminés, le cas de cet imam, un franco-algérien établi à Grenoble, auteur d'un ouvrage, qui lui a valu une expulsion et a suscité l'indignation et la colère en France. Il avait prêché une fatwa prétendant que «l'islam permettait à l'époux de battre sa femme autant de fois qu'il le souhaitait». Une étude effectuée en 2004 par la section «Maghreb égalité» sous le thème de «degrés d'adhésion aux valeurs égalitaires dans la population algérienne adulte» fait état des impressions de 610 femmes à ce sujet. Troublantes réponses Le questionnaire a été soumis à des femmes demeurant dans les différentes régions du pays à savoir Alger, Boumerdès, Annaba, Constantine, Sétif, Tébessa, Bordj Bou-Arréridj, la Grande et la Petite Kabylie, Béchar, Oran, Mostaganem, Sidi Bel-Abbés, Ouargla, El Oued et Mila. Les réponses sont énormément troublantes. 11% de femmes mariées interrogées ont indiqué avoir souvent été battues par leurs époux et 29% ont révélé l'avoir été plus d'une fois. Les statistiques font ressortir que 43% de femmes sur les 610 interrogées sont régulièrement battues par leurs époux. Sur les 15 millions d'électeurs en Algérie, il a ‘été recensé 700.000 femmes victimes de violences conjugales et 2.500.000 hommes qui infligent de sévères corrections à leurs épouses. Notons que cette étude souligne la censure imposée par les époux aux femmes interrogées, les chiffres peuvent donc être revus à la hausse par rapport aux résultats de cette étude.