Alors que la situation au Niger continue à focaliser l'attention des principales capitales en Afrique et dans le monde, voilà que le Gabon entre à son tour dans le cycle tumultueux des coups d'Etat. À peine la victoire à la présidentielle d'Ali Bongo pour un troisième mandat était-elle annoncée à la télévision que les militaires sont intervenus pour mettre fin à ce qu'ils estiment être une mascarade. Bongo aura cristallisé des années durant la grogne qui a déjà marqué le règne de son père, Omar, et la dynastie a pesé de tout son poids sur le destin d'un pays durant plus d'un demi- siècle. Si la mèche a été enflammée au Mali où deux coups d'Etat successifs ont amorcé des bouleversements qui semblent devoir s'intensifier et s'étendre dans toute la zone qu'on appelle la Françafrique, il y a lieu de noter que les autres putschs, au Burkina, en Guinée et au Niger, ont revêtu des paradigmes similaires, laissant entrevoir une véritable vague dont la cible est bien l'ancienne puissance coloniale qui n'a pas vu venir la tempête. Le 26 juillet dernier, le président Mohamed Bazoum, un fidèle parmi les fidèles de la Cédéao, était écarté par la garde présidentielle soutenue aussitôt par l'armée dans son ensemble et une large partie de la population. Des manifestations ont eu lieu qui rééditaient les mêmes slogans et brandissaient les mêmes drapeaux déjà vus à Bamako et à Ouagadougou, notamment. Contrairement aux évènements du Mali, du Burkina et de la Guinée, la Cédéao a cette fois brandi, outre la série des lourdes sanctions destinées à asphyxier les pays concernés, une menace d'intervention militaire alors même qu'elle n'en a ni les missions ni les prérogatives en tant qu'organisation régionale économique. Si intervention armée il devait y avoir, n'est-ce pas là le rôle du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine? Or, celui-ci a d'emblée rejeté la démarche d'une agression caractérisée contre un peuple africain tout en soutenant le principe conforme à la charte de l'UA selon lequel aucune atteinte à la légitimité constitutionnelle n'est tolérée. Il n'empêche, voilà plus d'un mois que le Niger est rangé dans le camp des pays «en transition» et qu'il propose, à son tour, une démarche similaire de trois ans avant de rendre le pouvoir aux civils. Le vent qui souffle depuis plus de deux ans sur l'ensemble de la région ouest-africaine est, qu'on le veuille ou non, annonciateur de profonds bouleversements dont on comprend qu'ils concernent la lente et inexorable agonie de la Françafrique. L'an dernier, le président français Emmanuel Macron qui semblait avoir tiré les conséquences des séismes intervenus au Mali et au Burkina d'où la force Barkhane a été promptement balayée avait annoncé que le temps est venu d'une nouvelle politique de la France dans la région ouest-africaine. Mais entre le discours et l'action, il semble bien que c'est le temps qui manque le plus.