Comme si l'insécurité meurtrière qu'imposent différents groupes armés dont ceux d'Al Qaïda et de Daesh aux trois pays reliés par la région des Trois-frontières, le Mali, le Niger et le Burkina, ne suffisait pas, et comme si les sanctions drastiques de la Cédéao envers Bamako et Ouagadougou ne portaient pas en elles des conséquences dramatiques pour les populations de cette région, voilà qu'une nouvelle crise pointe entre Niamey et Bamako, au risque d'envenimer davantage des relations déjà compliquées. Les propos du Premier ministre Abdoulaye Maïga devant la 77e AG de l'ONU ont été, on s'en doute, fort mal accueillis dès lors qu'il a critiqué plusieurs dirigeants de la Cédéao parmi lesquels le président nigérien Mohamed Bazoum, accusé de ne «pas être nigérien». Né en 1960 à Bilabrine, dans la région de Diffa (sud-est), Mohamed Bazoum relève de l'ethnie arabe Ouled Slimane, basée pour l'essentiel en Libye. Durant la campagne présidentielle de 2021, Bazoum a dû balayer les doutes sur ses origines nigériennes et il a fallu que la Cour constitutionnelle rejette une requête d'invalidation pour que ses détracteurs s'avouent vaincus. Le ministre délégué aux AE, Youssouf Mohamed al Mokhtar a condamné «fermement les propos de Abdoulaye Maïga, estimant que «l'ivresse de la junte malienne lui a fait oublier le sens du protocole et de la diplomatie...Il a fait honte à l'Afrique et au monde civilisé», affirme-t-il, dénonçant la «bassesse» de l'attaque. De là à critiquer «l'incapacité de l'armée malienne à protéger la population contre les exactions terroristes», il n'y avait q'un pas, vite franchi par les responsables nigériens qui rejettent une «junte au service de Moscou». Et c'est bien là le noeud du problème. Bamako qui a mis fin à la présence de la force française Barkhane au Mali a du mal à accepter l'accueil bienveillant que Niamey a aussitôt consenti à cette même force et le fait que les critiques et accusations du Niger rejoignent sur bien des plans ceux de Paris et de certains Etats membres de la Cédéao a eu de quoi faire déborder le vase. Il en va de même avec la Côte d'Ivoire dont 46 soldats sont détenus au Mali comme «mercenaires», et dont la «fermeté» a été à la base des sanctions de la Cédéao contre les putschistes de la région, selon Bamako. Hier, sans qu'il n'y ait aucune relation de cause à effet, affirme-t-on à Niamey, le Niger a rendu publique une décision visant à «suspendre» le transit des produits pétroliers destinés au Mali, laquelle est évidemment «antérieure» et «sans lien avec les récentes attaques contre le président Bazoum». Seuls sont exemptés de cet embargo, les produits destinés à la Mission des Nations unies (Minusma) alors que, par effet rétroactif, les autorisations déjà délivrées sont purement et simplement «annulées». On peut imaginer sans peine la grande satisfaction des groupes terroristes qui prolifèrent dans l'ensemble de la région sahélienne et notamment celle des Trois-frontières où les populations paient depuis de longues années un lourd tribut. Les chefs terroristes et mafieux peuvent légitimement se frotter les mains.