Des familles algériennes habitant le long des frontières algéro-marocaines se plaignent de l'invasion de leurs terres par les Marocains. Les dernières informations à Alger sur une agitation marocaine aux frontières ouest et qui consiste en une avancée de certains paysans marocains au-delà des frontières officielles, se sont confirmées cette semaine lorsque quinze familles algériennes ont tenté de reprendre possession de leurs terres abandonnées, en 1982, dans la localité de Dar El-Mahala, dans la wilaya de Tlemcen. Les familles issues de Ouled Sidi El-Hadj, auxquelles appartiennent ces terres, se sont vu refouler le 25 janvier dernier par des gardes-frontières marocains. Ces familles ont découvert que non seulement elles ne pouvaient pas prendre possession de leurs terres ancestrales, où est même enterré Sidi Aïssi, le premier de la lignée, mais que les Marocains ont, depuis, installé une petite station de pompage des eaux et des canalisations pour détourner les nappes souterraines de cette portion de Tlemcen. Les quinze familles algériennes des communes d'El-Bouihi et de Sidi Djillali n'ont pas réussi à s'approcher du périmètre où elles étaient installées vingt années auparavant. Ces terres algériennes sont devenues depuis marocaines suite à «un accord verbal» entre quelques membres des autorités locales de part et d'autre des frontières. Les Ouled Sidi El Hadj se disent profondément choqués par l'attitude des Marocains qui ont installé une sorte d'exploitation agricole à l'intérieur même du territoire algérien et sont prêts à fournir toutes les pièces administratives et les actes de propriété concernant ces terrains. Les agriculteurs marocains installés depuis ont planté des centaines d'arbres pour délimiter les anciens territoires algériens «squattés», et ont refoulé de fait les familles algériennes dans un silence inquiétant des autorités locales. Or, cette affaire, que certains milieux locaux tentent de camoufler du fait de leur connivence avec la mafia de la contrebande et de la drogue qui utilise cette partie des frontières ouest comme point de passage, ressurgit après que les familles algériennes se sont vu éjecter de leurs terres. Les familles de Ouled Sidi El-Hadj sont déterminées à récupérer leur bien même si cette affaire risque de compliquer davantage les relations algéro-marocaines déjà extrêmement tendues. D'ailleurs, des voix marocaines se sont élevées pour remettre en cause, dans cette conjoncture, les frontières constitutionnelles entre l'Algérie et le Maroc. Des sources marocaines ont indiqué que «la Constitution marocaine stipule que la souveraineté du royaume s'étend sur l'ensemble de ses frontières historiques». Cette déclaration contredit l'esprit et la lettre des accords sur les frontières légales entre Alger et Rabat, signés à la fin des années 70, et son prolongement l'accord signé au Maroc entre l'ancien président Chadli Bendjedid et le défunt roi Hassan II en février 1989 à Ifrane. Elle permet, toutefois, de voir à quel point, au niveau officiel marocain, on demeure attaché à l'idée d'un «grand Maroc» qui a servi de base à la colonisation du Sahara occidental et à la pénétration des Marocains en territoire algérien. Cette attitude s'est exprimée deux fois cette semaine à travers des positions d'une extrême virulence de l'Usfp, le parti du Premier ministre marocain, Abderahmane Youssoufi, qui s'en est pris aux positions algériennes considérées comme «inamovibles» sur le Sahara occidental en référence au refus réitéré d'Alger, via les déclarations d'Ahmed Ouyahia à Nouakchott, de la «troisième voie» marocaine. Les observateurs craignent que le bellicisme marocain prenne de l'ampleur à mesure que la date de la remise des conclusions de James Baker, lors de sa tournée d'adieu au Maghreb, approche. Ils redoutent davantage que des provocations, comme celles de l'envahissement progressif de territoires sous souveraineté algérienne comme c'est le cas d'El-Bouihi à Tlemcen, se poursuivent ces prochains jours.