Le procès des jeunes «prévenus» du printemps noir s'est déroulé, hier, à Tizi Ouzou. A l'annonce du report du verdict, des incidents ont embrasé le ciel de la cité du col des Genêts. Le procès des «détenus», dits du printemps noir, a eu lieu, hier devant le tribunal de Tizi Ouzou, siégeant en correctionnelle. Les dix accusés étaient assistés de 21 avocats, dont M.Mokrane Aït Larbi. L'ambiance était assez tendue devant le tribunal. Des délégués de la Cadc présents, renforcés par certains jeunes, ont commencé par scander les slogans habituels: «Ulac smah ulac» et «Libérez les détenus», comme ils ont également lancé des imprécations contre le pouvoir. Les policiers, certains casqués et boucliers en main, se tenaient prêts à intervenir «en cas d'urgence». A l'intérieur la salle était bondée. Dans leur box, certains accusés n'en menaient pas large. Après l'appel, le greffier donna lecture de l'arrêt de renvoi: ainsi sont retenus contre les prévenus, les griefs allant de rassemblement sur la voie publique à la destruction des biens de l'Etat et au port d'armes blanches. Les accusés commencent par tout rejeter en bloc, ils expliquent, pour l'un, qu'il a été arrêté près de son domicile, les autres qu'ils ont été arrêtés nuitamment et enfin, un autre de signaler qu'il a été arrêté, alors qu'il venait sur Tizi Ouzou en provenance de Bordj Ménaïel. Une façon d'affirmer qu'il n'y est pour rien. La délégation de la Cadc, autorisée à assister au procès, sur intervention de la défense, a carrément refusé, préférant stationner devant le tribunal. Dans son réquisitoire, le procureur a demandé contre les prévenus des peines d'emprisonnement allant de 8 à 18 mois, assorties d'une amende de 5000 DA. La défense prend alors la parole. Les effets de manches et les plaidoiries brillantes ont été observés. Ainsi battant en brèche, les arguments de l'accusation, la défense plaide l'innocence des accusés, s'appuyant sur l'absence de preuve et de témoins et le vide des dossiers. Concernant la présence du jeune prévenu de Bordj Ménaïel, un avocat reprendra la question du juge qui lui demandait d'expliquer sa présence à Tizi Ouzou. «La question à poser à l'accusé est celle visant à savoir s'il a appris l'organisation d'une marche à Tizi Ouzou.» Comme la défense a également plaidé pour la libre circulation des individus. Revenant sur l'accusation d'attroupement sur la voie publique, les avocats ont souligné que «les prévenus ont été arrêtés individuellement». Tous ont également parlé de «la détention préventive «abusive»». Les prévenus étant incarcérés à la maison d'arrêt de Tizi Ouzou depuis le 20 décembre. L'accusation de possession d'armes blanches a également été rejetée par la défense qui souligne qu'en cette période assez trouble dans la région, il n'est pas rare de voir des jeunes en porter. Cependant, les avocats ont tenu à préciser que personne parmi les accusés n'a utilisé, ni songer à utiliser ces «armes blanches». Plaidant, en fait, l'innocence en se basant non seulement sur l'intime conviction, mais aussi sur l'absence de preuves, la défense a demandé l'acquittement. Le tribunal a décidé de se donner trois semaines de réflexion, jusqu'au 24 février, pour rendre son verdict. Aussitôt après, les jeunes gens ont commencé à lapider le tribunal. Les brigades antiémeutes ont répliqué à coups de grenades lacrymogènes. Les commerçants de la grande rue (avenue Abane-Ramdane) baissent rideau. Le groupement de Gendarmerie est visée par des cocktails Molotov. Les groupes d'intervention rapide de la gendarmerie sortent et à coups de grenades lacrymogènes, occupent la rue Abane et les ruelles adjacentes. Un policier atteint par un cocktail Molotov a vu son uniforme flamber. Un jeune «émeutier» asthmatique s'est évanoui sous l'effet de gaz lacrymogène... La tension des mauvais jours régnait, hier en fin de soirée, à Tizi Ouzou. La colère des uns et des autres n'étant pas tombée, l'on s'attend à une nuit chaude. Entre-temps, la Cadc s'est réunie en conclave extraordinaire.