L'émigration clandestine est un «commerce florissant qui profite à des organisations bien structurées» Le vice-président du Conseil économique et social sénégalais, M.Seydou Diouf, a lors d'une conférence de presse, tenue hier au Shératon, rappelé qu'«il revient en premier lieu aux gouvernements africains d'apporter les bonnes réponses aux problèmes posés par l'émigration clandestine pour ouvrir de nouveaux horizons aux jeunes en les incitant à retourner vers l'agriculture». Et de noter que jusque-là, l'Europe a procédé, de manière unilatérale, pour régler la question sans impliquer les premiers concernés, à savoir les Etats africains. La responsabilité des Africains est aussi, mise à l'index, car il revient aux gouvernants de dire les vérités aux populations. Dans son intervention, le professeur Bakari Kamian du Mali, invité à titre privé en Algérie par le Cnes et le président de la République, a qualifié le phénomène d'émigration clandestine «de commerce florissant qui profite à des organisations bien structurées». Chaque jour, dit-il, des jeunes meurent par dizaines en tentant de rejoindre l'Europe qui a fermé ses portes et qui est responsable de cette situation. A la fin de la colonisation, elle a laissé un continent divisé et des frontières insensées, à savoir des entités non viables, mis à part des pays comme le Soudan, le Congo, l'Algérie qui possèdent un espace géographique important. L'Europe a aussi laissé, dans le continent, sa langue, sa culture, sa façon de vivre et de réfléchir, sa politique sociale et communautaire. Elle est donc interpellée pour prendre ses responsabilités historiques. Tout comme elle a gardé jalousement des intérêts puissants, constitués par les richesses naturelles. Le continent africain a été balkanisé comme l'a dit Senghor Léopold. Et de s'interroger pourquoi il n'y a jamais eu de fusion entre pays africains. L'heure est à la collaboration pour solutionner les problèmes économiques. Les Africains sont appelés à laisser de côté leur égoïsme et réfléchir à une oeuvre collégiale pour sortir de la crise actuelle. L'Afrique vit une véritable tragédie. Des villes, à grande densité de population, poussent comme des champignons sans avoir les moyens de subvenir aux besoins. Des jeunes meurent sur les barbelés dressés par les Etats européens aux fins de stopper l'afflux des Africains. Tentant de faire le lien entre la traite des esclaves et le phénomène moderne d'émigration de masse des citoyens africains, l'éminent professeur a tenu d'abord à expliquer à l'assistance que l'esclavage n'est pas la panacée du continent africain puisque bien d'autres peuples ont connu un tel phénomène, comme c'est le cas de la civilisation de la Mésopotamie. La question est d'ordre économique puisque les Européens sont venus en Afrique pour piller ses richesses. L'émigration actuelle concerne quelque deux cent cinquante millions d'Africains, qu'il s'agisse d'émigration forcée ou volontaire. Deux cent mille savants et techniciens sont concernés par le phénomène. L'Occident a pris la sève de l'Afrique d'où l'état de son sous développement chronique qui s'est installé durablement. Au sujet du Nepad, le conférencier pense que «l'Afrique est appelée à se prendre en charge en mettant les mécanismes internes d'auto-évaluation, loin des organisations internationales telles que le FMI et la Banque mondiale et en prenant des initiatives d'intégration économique et en faisant appel à l'aide de la diaspora africaine installée à l'étranger, particulièrement en Europe et en Amérique». D'ailleurs, des rapports nationaux de ce genre seront soumis dans ce cadre à la prochaine réunion des chefs d'Etat africains comme premier pas pour un travail de groupe. Retenons néanmoins que l'Afrique a franchi un pas important dans sa quête d'un dialogue responsable et d'un partenariat avec l'Europe pour faire face aux problèmes de développement qui bloquent toute initiative tendant à sortir du cercle vicieux du sous-développement. Le comité des Conseils économiques et sociaux africains vient de signer un important mémorandum avec son homologue européen. Cette action ouvre la voie à une refondation des relations entre les pays africains représentés par cette entité socioéconomique qui a élu son siège dans la capitale de l'Algérie. Le choix d'Alger pour abriter le siège du Conseil africain «est un geste de reconnaissance à l'égard de l'engagement de l'Algérie sur les dossiers qui déterminent le présent et l'avenir de l'Afrique et du président de la République connu pour son panafricanisme», a déclaré Seydou Diouf, lors de sa conférence de presse organisée hier à l'hôtel Sheraton par le Cnes. L'accord signé avec le partenaire européen, lors de la réunion qui s'est tenue les 4 et 5 septembre derniers se distingue par sa démarche communautaire et a débouché sur une feuille de route qui a été approuvée par un consensus des pays africains. L'implication des sociétés civiles dans cette démarche a été recommandée pour donner un gage de réussite.