Hémorragie n 250 millions d'Africains vivent hors d'Afrique, 200 000 sont des techniciens et des intellectuels. C'est la réalité amère qu'ont soulevée, hier, d'éminentes personnalités africaines, invitées d'honneur de l'Union des conseils économiques et sociaux d'Afrique, lors d'une conférence-débat sur la traite négrière, l'esclavage et les migrations actuelles, qui a eu lieu à l'hôtel Sheraton. Le professeur malien, Bakari Kamian, professeur agrégé de géographie, haut responsable au sein de l'Unesco et conservateur de la Maison des esclaves de Gorée au Sénégal depuis 1972, a fait une relation directe entre le colonialisme et le phénomène des immigrations actuelles : «C'est une séquelle de l'histoire. Le continent africain est sous-développé économiquement à cause du colonialisme. La population africaine cherche d'autres horizons et paradoxalement, elle n'a pas trouvé mieux que ses ex-maîtres…», a-t-il souligné. M. Kamian, dans un récit historique émouvant, s'est longuement étalé sur le caractère inhumain des esclavagistes du XVIe et XVIIe siècles inauguré par les Portugais en 1536. «20 millions d'Africains ont été embarqués de Gorée au Sénégal vers le nouveau monde, l'Amérique. 6 millions d'entre eux ont trouvé la mort du fait des traitements inhumains qu'ils ont subis. Ils étaient «entassés» dans des cellules de 2 m2 pour …150 personnes. Ils ont attrapé la peste et le choléra, à cause de cette promiscuité.» M. Seydou Diouf, adjoint au maire de la ville de Gorée a fait, lui aussi, un témoignage très émouvant en rappelant que les captifs, hommes, femmes et enfants, membres d'une même famille, étaient totalement séparés et leur valeur marchande variait selon le sexe, l'âge et le poids de l'esclave. M. Joseph N'daye a aussi tenté d'expliquer le phénomène de l'émigration actuelle en le qualifiant de «vieux problème». «Ça remonte à la Première Guerre mondiale où les Européens ont fait appel aux combattants africains pour les engager de force dans leurs armées. Ensuite, c'était le besoin de la main-d'œuvre africaine pour reconstruire l'Europe notamment après la Seconde Guerre mondiale.» Les experts africains ont proposé, enfin, comme solutions à ce phénomène qui revient en force ces dernières années, le retour à l'activité traditionnelle du continent, à savoir l'agriculture. «C'est très efficace dans les petits villages africains», a expliqué le professeur Kamian. M. Seydou Diouf a, quant à lui, expliqué ce phénomène par la mondialisation et l'impuissance des pays africains à se révolter contre ce phénomène. «Les richesses s'exilent, les hommes aussi», a-t-il dit. Il a souligné l'importance de «renationaliser les richesses des pays africains». «Il est temps pour agir et il n'est plus important de le dire et de le rappeler à chaque fois», a-t-il conclu.