Franchement, je ne sais pas pourquoi on recourt au mot censure, car nous n'avons jamais censuré qui que ce soit. Les représentants de la commission chargée de la sélection des livres à éditer durant l'évènement Alger, capitale de la culture arabe, que l'Algérie abritera dès le 1er janvier de l'année 2007, ont animé, hier, à la Maison de la presse Tahar Djaout, à Alger, une conférence de presse au cours de laquelle ils ont développé les grandes lignes de leur programme. «Nous voulons relancer le secteur du livre et 2007 en sera le déclic» a lancé, d'emblée, M.Ahmed Hamdi, l'un des acteurs de ladite commission. «Tous les hommes de lettres algériens, sans exception, seront réédités sur le compte du ministère de la Culture» a-t-il ajouté. Cette déclaration a vite suscité un débat houleux autour de l'un des problèmes auxquels la commission fait face actuellement, à savoir la censure qui frappe certains livres écrits par des auteurs algériens et pas des moindres. Ce fait a été relevé, dernièrement, et avec véhémence, par l'écrivaine algérienne établie en France, Malika Mokeddem. Cette dernière a, lors du cycle de conférences animées à Alger, mis à jour la censure qui a frappé la traduction en langue arabe de son dernier roman autobiographique, Mes hommes. Elle a évoqué, au passage, le même problème dont souffrent les romans L'Attentat de Yasmina Khadra et Harraga de Boualem Sensal. Les trois conférenciers, Ahmed Hamdi, Noureddine Bendif et Hadj Nacer Rachid, défendent leur cause avec acharnement. «Franchement, je ne sais pas pourquoi on recourt au mot censure, car nous n'avons jamais censuré qui que ce soit. Il faut savoir que la censure, est avant tout, un acte politique» souligne M.Hadj Nacer. A l'en croire, le ministère de la Culture a donné le feu vert pour l'importation de ces livres et il a donné son autorisation pour leur vente sur le marché. «La censure, ce n'est pas le mot juste» enchaîne M.Bendif. De quoi s'agit-il dans ce cas de figure? Pourquoi la commission n'a-t-elle pas accepté de traduire en langue arabe des livres des auteurs cités plus haut? «Nous avons certains critères que nous devons respecter» argumente M.Bendif. Et quels sont ces critères? A-t-on demandé. Le conférencier brandit tout de suite le critère qualitatif auquel doit répondre le livre à traduire. Mais, que trouve-t-on de mauvais dans L'Attentat de Khadra ou dans Mes hommes de Mokeddem? «Pour L'Attentat de Yasmina Khadra, nous ne l'avons pas sélectionné pour la simple raison que ce livre n'est pas représentatif de l'oeuvre de cet auteur. Il en est de même pour le livre de Malika Mokeddem» a souligné M.Bendif. Néanmoins, certains ont fait savoir que les livres de ces deux romanciers n'ont pas été retenus pour des raisons purement politiques. D'abord, l'Attentat de Khadra a été sévèrement critiqué par les journaux arabophones, notamment ceux de l'Orient, dont le journal londonien Al Hayat qui l'a -et gravement- qualifié de roman propagandiste de l'Etat hébreu. Il faut le dire, dès sa parution, en 2005, chez les éditions Julliard, le livre a déplu aux Arabes. Ensuite, Mes hommes, de Malika Mokeddem. Ce roman autobiographique, selon certains, est provocateur. Il met la société algérienne -une société patriarcale par excellence- sens dessus-dessous. D'ailleurs, le titre du livre, à lui-même, est un défi lancé à tous les esprits «tordus». «Nous n'avons pas retenu ces deux romans de ces écrivains, mais nous en avons accepté d'autres, comme l'écrivain de Yasmina Khadra dont la qualité du style n'est pas à démontrer, tout comme A quoi rêvent les loups» a estimé M.Bendif. Concernant le refus de traduire le dernier livre d'Henri Alleg, Mémoires algériennes (édité chez Casbah édition en 2006), les conférenciers disent ignorer tout de cette affaire. Ils indiquent, néanmoins, «ne pas savoir pourquoi on refuse de traduire Alleg sachant, toutefois, qu'il est plus Algérien que certains». Il convient de souligner, enfin, que parmi les 4500 livres proposés par les éditeurs, la commission-livre n'en a retenu que 466 titres à éditer dans le cadre de l'événement Alger, capitale de la culture arabe, prévu pour l'année 2007. «Nous serons au rendez-vous» lancent les conférenciers sur une pointe d'optimisme.