Le secrétaire général fait les yeux doux aux travailleurs du privé. Depuis le temps que les négociations bi et tripartites se déroulaient, le travailleur du secteur privé ne se sentait pas concerné par un tel chassé-croisé social, d'autant plus qu'après les premières augmentations de salaires, il y eut comme un sentiment de frustration auprès d'une large couche de la population. Pour une fois, certains ont osé évoquer l'existence de deux collèges en Algérie. En effet, à contre courant de tout ce qui se dit ou s'écrit depuis de nombreuses années sur la performance du secteur privé, au moment même où le secteur public est sur la défensive, les derniers développements survenus sur la scène nationale ont plutôt accrédité l'idée que l'Etat continue de veiller sur ses propres agents et fonctionnaires, pour ne pas dire sur ses ouailles, tout en délaissant le sort des travailleurs des petites et moyennes entreprises. Sans parler d'un autre facteur aggravant: le dynamisme de l'informel et du travail au noir, qui fait que de nombreux travailleurs d'un pan important de l'économie nationale ne sont pas déclarés à la sécurité sociale. La situation est d'autant plus inexplicable que le patronat privé est régulièrement invité aux réunions de la tripartite, et que ses chefs ont toujours reconnu le bien fondé des augmentations salariales pour rattraper les effets de l'inflation et de l'érosion du pouvoir d'achat. Tant que les négociations traînaient en longueur, en s'éternisant dans les allées du Palais du gouvernement, personne ne trouvait à redire, mais c'est vrai que ce sont surtout les personnels des services publics, comme les médecins spécialistes et les enseignants, tous paliers confondus, qui montaient au créneau pour exiger des augmentations. Les travailleurs du secteur public, lorsqu'ils en ont la possibilité, peuvent pafois négocier leur salaire, du fait de la souplesse qui caractérise le secteur: on peut plus facilement y faire valoir sa compétence. Par ailleurs, sur le plan purement revendicatif et syndical, c'est la Fonction publique qui détient la palme, du fait du nombre et des garanties de l'emploi, alors que les petites entreprises privées n'offrent pas autant de garanties. Les médecins et les enseignants sont aussi, souvent qu'ils l'ont pu, montés au créneau, et donné de la voix. Le syndicat Ugta est surtout implanté dans ce secteur, tout autant que les syndicats indépendants, même s'ils ne sont pas associés aux négociations au sein de la tripartie. Maintenant que les négociations entrent dans le vif du sujet, avec la promesse du gouvernement d'honorer ses engagements en matière salariale, c'est tout naturellement que le patronat privé est interpellé. Alors que la Centrale Ugta met le doigt sur la nécessité de signer les conventions de branches, le patronat, lui, abat ses cartes. Il n'exige rien moins qu'une baisse substantielle des charges patronales. On sait tous dans ce domaine que trop d'impôts tuent l'impôt. N'est-il pas préférable d'élargir l'assiette des entreprises qui paient leurs taxes en sortant de l'informel, en baissant les charges? Le Trésor public en sortira gagnant et les recettes seront plus importantes, en diminuant l'importance de l'évasion fiscale. Ce n'est pas sans raison que les différents ministres des Finances ainsi que les différents directeurs des impôts disent la même chose, depuis la fin des années 90, mais de loi de finances en loi de finances, on constate que les mêmes recettes reviennent, pour décourager les Algériens de payer leurs impôts. D'où l'appel du pied de Sidi-Saïd, qui fait les yeux doux aux travailleurs du secteur privé, en annonçant qu'ils sont également concernés par les augmentations des salaires.