Pourtant la ministre de la Culture, Khalida Toumi, a fait un geste à l'adresse de plusieurs artistes qui se sont retrouvés dans une situation pareille. El Hasnaoui Amechtouh est un chanteur chaâbi. Il est, aussi, une victime du terrorisme. Agé de 53 ans, il vit un véritable drame. Hospitalisé à l'hôpital de Chéraga, à la suite d'une dépression nerveuse, en 1994, provoquée par les exactions des groupes terroristes qui lui ont brûlé sa maison, pris sa voiture, menacé de mort et occasionné un handicap à son dernier-né, il suit un traitement médical à vie. Son épouse, alors enceinte, n'avait pas supporté le choc. Elle donnera naissance à un enfant handicapé. Depuis cette date, il ne s'en est jamais remis. Il fait face à la dure réalité de la vie d'artiste sans lendemain. Vulnérable et sans soutien, il est réduit à louer un appartement pour abriter sa petite famille constituée de son épouse et de quatre enfants. Madjid Aït Rahmane, de son vrai nom, n'a pas cessé de frapper à toutes les portes pour une éventuelle aide. Il confie difficilement qu'«il vit dans la misère». Il demande à être pris en charge dans le cadre des textes de la réconciliation nationale puisque il se considère parmi les victimes du terrorisme. D'ailleurs, il informera que le commissaire de police de Dergana est témoin de sa situation et de son drame. La ministre de la Culture qu'il a contactée à maintes reprises lui a promis, par la voix du chef de son cabinet, de prendre en charge son cas et de l'aider à trouver un logement décent... avec son propre argent. En fait, l'aide qu'il demande à Mme la ministre de la Culture consiste à intervenir au niveau de l'Office national des droits d'auteur pour lui verser la part qui lui revient de droit, suite à la vente de quelque 60.000 albums de sa dernière production. Mais il ne voit rien venir. Les promesses qui lui ont été faites sont restées sans suite. «On m'a promis de débloquer mon argent se trouvant au niveau de l'Office national des Droits d'auteur, mais rien n'est encore fait», précise-t-il. C'est la raison qui l'a amené à s'adresser à la presse nationale pour alerter l'opinion publique sur son drame. Nous serons alors surpris de savoir qu'il a été sollicité pour prendre part à des émissions télévisées et à animer des soirées et des galas tout en étant sous traitement. L'artiste, sans revenus, qu'il est devenu, n'avait pas le choix. «J'ai été invité à l'émission Saraha Raha mais on m'a interdit de parler de ma situation et de mon drame, pourtant il s'agit d'une émission qui porte l'appellation pompeuse de Saraha Raha, une contradiction flagrante.» Les téléspectateurs le regardent chanter sans savoir qu'il est malade et de surcroît sous traitement psychologique à vie. Il nous révèlera qu'il a été contraint d'animer une soirée au Casif de Sidi Fredj, après avoir demandé une autorisation de quitter l'hôpital de Chéraga, pour subvenir aux besoins de sa famille. «Je vis dans la misère et j'arrive difficilement à payer le loyer de douze mille dinars.» Pourtant il vient d'éditer un album qui a eu beaucoup de succès. L'Onda lui aurait proposé la modique somme de 100.000 DA alors que lui insiste au moins pour 500.000 DA pour son dernier produit. Sans médicaments, sa vie n'a aucun sens. «Les moments de lucidité que je vis, explique t-il, je les dois à ces médicaments qui sont parfois introuvables et chers.» L'interprète de la musique chaâbie du genre Cheikh El Hasnaoui, qu'il a presque ressuscité par sa voix, que les mélomanes arrivent difficilement à distinguer de celle originale et pourtant inimitable du défunt maître, prend aujourd'hui à témoin le public algérien, son public et ses admirateurs, de l'oubli et de la non-assistance dont il est victime. Pourtant, la ministre de la Culture, Khalida Toumi, a fait un geste à l'adresse de plusieurs artistes qui se sont retrouvés dans une situation sociale déplorable faute de l'existence d'un statut pour les artistes ou d'un fonds d'aide aux artistes et hommes de culture en détresse. El Hasnaoui Amechtouh, l'enchanteur est aujourd'hui triste. Au bout du rouleau. Même malade, il est prêt à animer encore des soirées. «C'est plus pour gagner mon pain et faire nourrir ma famille que pour une quelque autre considération artistique», se justifie-t-il, comme pour s'excuser de chanter dans la détresse et le désarroi. D'ailleurs, à entendre le contenu de son dernier album et de celui qui paraîtra l'été prochain, on comprendra vite que l'homme a changé. Marqué par les vicissitudes de la vie et l'ingratitude des hommes, le chanteur chaâbi s'est mué en interprète engagé pour soigner sa douleur et extirper de sa voix le mal qui le ronge de l'intérieur. Du fond de son âme et avec une sensibilité particulière d'artiste. Même s'il est dur en usant de mots crus et agressifs, on ne peut lui en vouloir. Son désarroi, il le vit en solitaire. Sa révolte est légitime. Ce natif des Ouacifs et qui a passé sa jeunesse à la Casbah lance un appel de détresse en direction de ceux qui sont appelés à prendre en charge un artiste qui tombe. Sans attendre l'essoufflement de sa voix. Celle d'El Hasnaoui Amechtouh résonne encore pour déranger les âmes insensibles et lancer un SOS.