Le pari n'est certes pas aisé, mais il n'est tout de même pas irréalisable. Car, chez les Karoui, l'impossible n'est pas maghrébin. Longtemps, on la regardait sans la voir; on l'écoutait sans l'entendre; on la touchait sans la palper, la région du Grand Maghreb s'avère un véritable eden. Il suffit d'un brin de lucidité pour le découvrir. La porte de l'Afrique est en jachère et rares sont ceux qui ont pensé l'explorer. Plus rares encore sont ceux qui ont réussi à l'exploiter. Les deux frères Karoui, Nabil et Ghazi, eux, ont su percer le secret de cette région. En lançant la chaîne Nasma TV (La brise), dont la diffusion des programmes sera entamée en fin décembre 2006, la société Karoui& Karoui compte investir un terrain qui, jusqu'à présent, est resté vierge. Elle vole ainsi la vedette aux chaînes satellitaires arabes qui ne savent pas toucher aux âmes des Maghrébins sans les froisser. Le défi est des plus difficiles. Pourtant les Karoui l'ont lancé. «Il suffit d'y penser: les cinq pays du Maghreb (la Libye, la Tunisie, l'Algérie, le Maroc et la Mauritanie) comptent plus de 100 millions habitants. Il suffit de songer à ces gens-là pour avoir l'idée de leur consacrer une chaîne télé», a indiqué le président-directeur général de la société Karoui& Karoui, Nabil Karoui, lors de l'entretien qu'il a accordé à L'Expression. Notre interlocuteur compte vraiment aller jusqu'au bout de son entreprise. Rien ne peut l'arrêter. «Cela fait bien longtemps que nous caressons ce projet, et maintenant que tout est prêt, nous n'avons qu'à passer à l'exécution». En effet, tout est prêt pour l'aventure. Les frères Karoui n'ont rien laissé au hasard. Le plan est étudié minutieusement. Ils ne laissent échapper aucun détail sans l'explorer. Tous les points, susceptibles de mener le projet à bon port, sont passés en revue. La chaîne Nasma, dont la totalité des programmes sera consacrée aux pays du Grand Maghreb, émettra à partir de Paris. Quant à la production, elle sera en majorité réalisée en Tunisie. Mais comment cette société compte-t-elle activer dans un pays comme la Tunisie, réputée être «un enfer fiscal»? En arborant un sourire digne d'un homme qui a longuement fouiné dans les arcanes et chicanes du marketing, Nabil Karoui nous répond sans détours: «Nous sommes une société de production offshore». C'est-à-dire, une société «immatriculée dans un pays dont l'activité économique ne s'exerce pas sur ledit territoire». Tout est donc passé au crible, y compris la question financière, le nerf de la guerre, comme on dit. A ce côté, les frères Karoui accordent un grand intérêt. Et ce n'est pas par un pur effet du hasard sur deux credo qui, en outre, sont les deux facettes d'une même pièce. Primo «la plus belle Révolution? C'est celle qu'on fait avec l'argent». Secundo: «le vrai pouvoir? C'est le pouvoir économique». Deux phrases qui résument l'histoire de l'humanité. Ainsi, les frères Karoui comptent injecter dans ce projet un budget oscillant entre 25 et 30 millions de dollars. Nabil Karoui affirme, en ce sens, que 75% du capital social de Nasma TV appartient aux fonds propres de la société Karoui&Karoui. Le président-directeur général de Nasma TV affirme, par ailleurs, que la chaîne contribuera, et d'une manière efficace, à la promotion des artistes maghrébins en général et algériens en particulier. Pour une fois, les peuples du Grand Maghreb, séparés, et pour longtemps hélas, par des frontières géographiques, se reconnaîtront dans une chaîne de télévision qui sera la leur. Mieux, les Maghrébins ne s'y reconnaîtront pas seulement, mais se rencontreront. Cela à travers, notamment, l'émission Star Académy Maghreb. «Nous comptons changer le Grand Maghreb, par une émission». Le pari n'est certes pas aisé, mais il n'est tout de même pas irréalisable. Chez les Karoui, l'impossible n'est pas maghrébin. De toutes les façons, cela, on le saura après le mois de décembre prochain. Et, à la fin, l'équation nous donnera à peu près ceci: après le croissant lunaire de l'Aïd, viendra celui des Karoui. Un rendez-vous à ne pas rater.