Si l'islam des caves a reculé, un «autre islam» s'active dans les banlieues et sur les sites Internet. Samedi prochain, à l'heure de la rupture du jeûne, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, organise au stade Charlety une soirée «de partage et de paix» à l'occasion du début du mois de Ramadhan. Une collation sera servie aux 5000 invités, dont des personnalités, attendues. Depuis dimanche, la communauté musulmane en France a entamé le mois sacré dans des conditions qui ne sont pas toujours aussi festives. Dimanche, deux mosquées, Carcassonne et Quimper ont subi des actes islamophobes. Des slogans racistes, des croix gammées ont été retrouvées sur les murs de ces lieux de culte. Les représentants du culte musulman, dont le recteur de la mosquée de paris, Dalil boubakeur, ont vivement condamné ces agressions, considérant qu'elles avaient pour objectif de «perturber ce début de Ramadhan», rappelant qu'il existe un climat particulier depuis l'affaire des déclarations du pape. Mais la majorité des musulmans de France préfèrent ignorer ces actes de racisme et tentent de vivre leur foi loin des extrémistes de tout bord. Ce n'est pas toujours facile car entre les provocations et les tentatives de radicalisation, le musulman est quelque fois pris en tenaille. Dans un récent sondage publié par le magazine La Vie, ce musulman de France est en vérité loin des clichés de violence et de pratiques extrémistes. Ainsi, s'ils sont 88% des interrogés à déclarer qu'ils font le Ramadhan, 94% considèrent que les individus sont égaux devant la loi, quelles que soient leurs croyances. Tolérants, démocrates convaincus, 91% des musulmans de France interrogés se disent favorables à l'égalité des hommes et des femmes et 79% se prononcent contre la polygamie. Le communautarisme étroit qu'on leur prête est également démenti puisque 73% soutiennent le principe de la laïcité et 69% ne voient pas d'inconvénient au mariage d'une musulmane à un non-musulman. On est loin effectivement, des préjugés de musulmans allergiques au pluralisme religieux et culturel. Mais comme dans toute communauté, la minorité extrémiste couvre de sa voix la majorité modérée et respectueuse des lois et d'autrui. Si l'islam des caves a reculé grâce à une meilleure saturation des organisations du culte musulman qui initient plusieurs projets de construction de mosquées, avec la collaboration des autorités locales, un «autre islam» s'active dans les banlieues et sur les sites Internet. Un rapport des RG (services de renseignements français) publié par la presse hier, met en garde contre des sites islamistes intégristes qui s'adressent plus particulièrement aux femmes. Avant d'accéder à ces sites («la femme vertueuse»,«islamoncoeur»...), l'internaute doit jurer par Allah qu'elle est bien une femme. Dans leur enquête sur près de 30 sites, les renseignements généraux estiment que l'objectif est de permettre aux «soeurs» de devenir plus savantes sans avoir à sortir de chez elles «et être obligées de circuler parmi les mécréants». Il est d'ailleurs conseillé aux musulmanes de «travailler chez elles, loin du péché». Au chapitre de la «chasteté», il est recommandé d'éviter les chansons d'amour, les lieux mixtes et...les lits trop mous qui, semble-t-il, incitent au péché de chair. Evidemment il leur est aussi demandé de se conformer à la tenue islamique, à savoir le voile intégral, soit le niqab, car le simple voile ne suffit pas. Les rencontres recommandées sont exclusivement entre musulmanes afin d'éviter la mixité et le contact avec les mécréants. De toutes façons, la bonne musulmane, selon ces sites de propagande doit rester au foyer à s'occuper de ses enfants et comprendra en consultant ces sites toutes les raisons de ne pas envoyer ses enfants à la maternelle. Dans le même esprit, il ne faut pas laisser les enfants lire les journaux et recourir au châtiment corporel si à 10 ans ils refusent de faire la prière. Pour les enquêteurs, cette stratégie vise en premier lieu, la nouvelle génération, prise en main dès le départ, et leurs mères transformés ainsi en proies faciles et en relais de propagande pour le compte de ceux-là mêmes qui, en ce mois de Ramadhan, tentent de régir les quartiers de la banlieue en s'autoproclamant gardiens de l'islam. Dans une ambiance conviviale, parmi les étals de menthe et de boureks dans des marchés parisiens fréquentés par la communauté musulmane, chacun remarquera ces «militants» n'hésitant pas à accoster un musulman qui ne respecterait pas le jeûne. Autant d'incursions malvenues dans les efforts de toute une communauté pour faire accepter et respecter ses convictions d'abord comme une communauté de citoyens à part entière. Les musulmans de France qui sont dans leur majorité des Français attachés aux valeurs de la République, se battent par les moyens légaux pour cette reconnaissance. Ainsi les 7 et 8 février prochains, la Mosquée de Paris, l'Union des organisations islamiques de France et récemment la Ligue islamique mondiale seront les parties civiles dans le procès intenté à la publication Charlie Hebdo qui avait publié les caricatures du Prophète Mohamed. Contrairement aux clichés confortés par les agissements des extrémistes, les musulmans vivant en Europe sont dans leur majorité ouverts au dialogue entre les cultures et ne demandent qu'à vivre leur foi dans la paix et la dignité. C'était probablement le voeu des ambassadeurs musulmans reçus hier par le pape Benoît XVI après les propos malheureux qu'il a eus contre l'islam.