Leur proposer des petits boulots est le seul mal que vous puissiez leur souhaiter. Il n'y a pas plus émouvant et révoltant que d'être surpris à coups de «sadaka ala walidine, wa Allah houa el ghani errazak» et par les sempiternelles lamentations de «taâ rabi ya khouati, ya moumnine» égrenées par ces individus, majoritairement prosélytes du gain sans effort, qui vous côtoient aux alentours de Sahet Etadhamoune, des gares routières, de la rue d'Isly et autres magasins et cafés du centre-ville. Tandis que d'autres compères foisonnent à longueur de temps au niveau des marchés, des souks, des placettes en passant par les foyers, notamment les jours fériés et à l'occasion de certaines fêtes. D'aucuns, plus habiles, se feront oublier dans un autre district dès que le «baromètre» n'étant plus au beau fixe; cédant place à de «nouvelles têtes» motivées par la même condition pour y relancer leurs défis devenus, aujourd'hui plus que jamais, un art de vivre (!). Jadis «prostitution», faire la manche, au détriment de tout amour propre et encore moins du qu'en-dira-t-on, connaît de nos jours tout un panel de «comédiens de la quête» dont le talent, à la grivoiserie proche du harcèlement, met en branle cette tactique bassement lucrative qui exploite le look comme référence, en jouant sur le tableau de la misère noire, de la détresse, de la souffrance, de la maladie, y compris même celui du deuil ou du drame. Habitués évidemment à de généreuses «recettes du jour» par un tel pactole, leur proposer des petits boulots est le seul mal que vous puissiez leur souhaiter, car l'unique qualification, à laquelle ils répondent le mieux, est celle de...savoir compter les sous. Un revenu occasionnel ou régulier mais insignifiant, gagné à la sueur du front comparé à une telle «manne», ne trouve quasiment aucun envieux. En témoigne le commerçant habituel accoutumé à convertir en vrais billets les espèces sonnantes et trébuchantes de la collecte journalière de ces sans-souci. Certes, il existe également bel et bien une autre frange de nécessiteux qui, certains, dans la nécessité absolue, arrivent à quémander de quoi survivre sans mimétisme ni louanges aberrantes, et d'autres, fiers, vertueux et méconnaissables n'osent jamais se dévoiler comme tels, pour tendre la main à un semblable, alors que, s'ils trouvent de quoi déjeuner, ils ne peuvent dîner. Pour ceux-ci, il n'y a pas mieux de rappeler que celui «qui donne aux pauvres prête à Dieu». Il est tout à fait clair qu'il n'est pas aisé de reconnaître les simulateurs de ces derniers et en âmes charitables et sensibles, avec frissons assurés, il n'est pas sûr d'ignorer cet impotent drapé dans la poussière et couchant à la belle étoile, la jeune femme «dissimulée», couvrant ses bambins à même la rue au gré des intempéries, ce non-voyant à la merci de son guide, cet autre vieillard rouillé par l'immobilité et éteint dans ses soupirs, ou encore ces adolescents déscolarisés, avec l'avenir et l'éducation brisés. Bien que le soutien de l'Etat, même partiel, est une réalité pour les couches sociales défavorisées et que nombre de ces démunis se trouvent être titulaires d'avantages alloués séparément ou simultanément sous différentes formes de couverture par les services publics (sécurité sociale, santé, DAS, APC...), le problème crucial de la mendicité, ce fléau national, doit être remis en question et demeure toujours posé. Il y va de notre dignité, de notre culture et même de...notre économie.