Hasna El Becharia, cette grande dame de la chanson gnawie qui ne cessait de répéter qu'elle n'avait pas reçu d'invitation des institutions culturelles pour se produire en Algérie, a vu son vœu s'exaucer, grâce à l'Etablissement art et culture. Elle a gratifié le public algérois d'une soirée mémorable qui a regroupé les férus de musique gnawie. Quelques minutes avant le spectacle, la salle Ibn Khaldoun ayant une capacité d'accueil de 800 personnes avait du mal à contenir les convives. Un public constitué essentiellement de jeunes admirateurs. Certains n'ont pas voulu faillir à la tradition vestimentaire. Ils ont enfilé des tenues du Sud algérien. L'atmosphère était des plus électriques. Une odeur d'encens chatouillait les narines. Vers 21 heures, la diva, vêtue de la tenue traditionnelle de Béchar, fait son entrée sur scène, sous des youyous et des applaudissements nourris. Guitare en bandoulière, elle salue son public de son sourire généreux tout en lui lançant : « Rani ferhana bikoum ou bi bladi ». Dès les premières notes musicales entonnées suivies des déhanchements des deux danseuses et choristes de la troupe, les jeunes envahissent le devant de la scène et s'adonnent à des mouvements de danse énergiques et saccadées. Hasna El Becharia entame son répertoire par El Djazair el djawhara, un des titres de son dernier album, sorti en 2003 en France. Elle enchaîne avec d'autres titres phares tels que Waldi el khali khalani, Hakmat el qadhar y a moulaya, Koul el chay alla el walidine, et Ya ibad El Allah... Imperturbable et sereine, Hasna a cette faculté et cette facilité d'entraîner plus d'un dans un mouvement de transe et dans un voyage hypnotique aux couleurs électriques. Après trois-quarts de scène -, la formation, constituée de sept éléments - se retire pour une pause bien méritée d'un quart d'heure. Hasna réinvestit la scène, plus déterminée à casser « la baraque ». La deuxième partie s'ouvre sur une chorégraphie charnelle, exécutée par Amira et Souad, deux artistes professionnelles évoluant en France. Dans une valse de mouvements gracieux, elles subjugueront les convives. C'est- alors que Hasna El Bécheria regagne la scène avec un gumbri, son instrument fétiche qu'elle affectionne depuis bien longtemps. Après un jeu d'instruments alliant gumbri et castagnettes, la chanteuse a exécuté des chants à forte connotation religieuse dont Ya rabi moulaya, Allah irham el chouhada, Aie aie jinker mama, La illah i la llah Mohamed Rassoul I Allah. De temps en temps, elle encourage l'assistance qui est déjà en délire, en leur disant d'une voix prenante : « Ça va Alger !!! ». Mustapha, le guitariste (fils de Hasna), Roger Aspaille le Nigérien, le bassiste, Kheirredine Medjoubi au karkabous et à la derbouka, et Nourreddine au taâr et au karkabou aussi avec à leur tête leur « maîtresse » Hasna, ont offert un jeu musical très recherché. En effet, les instruments traditionnels et modernes ont donné des traits mélomanes variés et riches en teneur métissée. A travers cette soirée, Hasna El-Becharia a confirmé de plus qu'elle est la digne héritière des musiques du Sud algérien, bédouin, gnawi, et berbère. Du haut de ses 54 ans et avec le talent qu'on lui connaît, Hasna a réussi à emporter, les plus avertis, durant une heure et demie, dans un mélange furieux de vent et de sable, de karkabous, de traditions séculaires et d'instruments de musicaux éparses. Gageons qu'après la sortie de son prochain album en avril prochain, Hasna El Becharia gratifiera le public algérien d'un autre concert aussi performant que celui de jeudi dernier.