L'intellectuel libanais invite les élites arabes à s'investir dans la production intellectuelle, culturelle, économique, et à ne pas se neutraliser dans des débats stériles. Question de niveau. Le contraste était saisissant avant-hier au salon Rose de l'hôtel Aurassi, entre d'un côté, l'intellectuel arabe de haute volée qu'est Georges Corm et de l'autre, des intellectuels maison empêtrés dans les carcans de la pensée unique comme Othmane Saadi. Au cours du débat après la magistrale conférence lue par Georges Corm, sur les enjeux de l'heure et les défis auxquels doit faire face la nation arabe, les intervenants ont posé des questions qui nous éloignaient grandement de ce qu'il faut faire: s'ouvrir sur le monde, domestiquer les sciences, jeter les bases d'un développement économique, mettre en place les conditions de la renaissance culturelle et intellectuelle arabe. Pour se faire respecter des autres nations, il faut commencer par s'imposer une discipline de fer pour être au niveau de la pensée moderne, qui implique esprit critique et autocritique, maîtrise des sciences, créativité dans le domaine économiques, prise en compte des aspirations des minorités, seules à même d'assurer la diversité et la richesse qui caractérise le monde arabe et fait sa spécificité, que ce soit les Amazighs au Maghreb ou les chrétiens et autres druzes au Proche-Orient. L'initiative prise par l'Anep d'organiser une série de conférences en invitant des intellectuels arabes, est vraiment la bienvenue. Elle permettra au moins de discuter en toute sérénité de toutes ces questions brûlantes et de recadrer le débat sur l'essentiel. Pour en revenir à la soirée d'avant-hier, l'assistance aura remarqué le contraste entre le plaidoyer magistral de l'intellectuel libanais Georges Corm, pour une nouvelle renaissance arabe, et les questions quelque peu sectaires de quelques intervenants. Il y avait comme un hiatus. Alors que le conférencier brossait un tableau succinct mais éloquent de la situation du monde arabe, dénonçant la dynamique de l‘échec et appelant à un sursaut des élites, des intervenants au cours des débats voulaient enfermer le débat dans des visions étroites, en défendant le «tout islam» ou le tout «langue arabe», dans un retour affligeant à la pensée unique, dont on mesure aisément les dégâts dans la situation de décadence et de misère dans laquelle se débat une bonne partie du monde arabe, un monde qui regorge de richesses pétrolières, mais où de larges couches de la population vivent sous le seuil de pauvreté. Dynamique de l'échec, nouvelle renaissance, tels sont les deux points de vue développés par le conférencier. Mais il a également déclaré que le conflit des civilisations, voire même le dialogue des civilisations, est un leurre, un piège. Pour sortir la tête de l'eau, le conférencier invite les élites arabes à ne pas répondre nerveusement aux attaques et aux campagnes de dénigrement orchestrées en Occident, mais à prendre le taureau par les cornes pour être au diapason des défis de l'heure, par la production intellectuelle, économique, culturelle. Une civilisation se construit. Et c'est un effort collectif auquel il faut s'astreindre.