Aux affres économiques, il faut ajouter cette peur qui a l'air de vouloir s'installer avec la recrudescence des actes terroristes. L'Aïd est là avec ses dépenses et ses angoisses qui assaillent les citoyens, chaque année, de plus en plus pauvres! En Kabylie, aux affres économiques, il faut ajouter cette peur qui a l'air de vouloir s'installer avec la recrudescence des actes terroristes. Cette année encore, les choses sont plutôt moroses! La situation sécuritaire délétère depuis ces jours derniers en Kabylie plonge la région dans une profonde angoisse. Les veillées du Ramadhan qui n'étaient déjà pas assez gaies sont devenues de plus en plus mornes. Jusqu'à la capitale du Djurdjura qui semble ne plus faire confiance aux nuits du Ramadhan. Les familles ne sortent quasiment plus alors que les premiers temps un certain frémissement était perceptible. Les uns et les autres se rendant aux soirées que des artistes du cru animent au niveau du théâtre municipal Kateb-Yacine. Certes, les familles étaient peu nombreuses au début mais en ces derniers jours de Ramadhan, elles se font rares sinon absentes. Certains veulent conjurer le sort et continuent, contre vents et marées, à vivre comme avant, mais tout le monde n'a pas encore repris ses esprits. Dans les villes et les villages de l'intérieur de la wilaya, les choses ne sont pas plus gaies. Ainsi, dans la ville de Boghni qui a connu récemment un attentat terroriste contre une patrouille de police, la quinzaine écoulée, les gens semblent de moins en moins enclins à sortir veiller. Les cafés sont, certes, ouverts mais, mis à part quelques jeunes gens qui ne sauraient rester enfermés et cloîtrés à la maison, les autres préfèrent ne pas trop tarder dehors et généralement, y compris à Tizi Ouzou, rentrent assez tôt chez eux. Cependant, ces derniers jours de Ramadhan, ce sont les achats qui font que les familles arrivent à vaincre l'angoisse et la peur et à sortir faire du lèche-vitrines. La sécurité est cependant assez bien assurée par un déploiement des forces de l'ordre avec, comme à Tizi Ouzou, par exemple, un renforcement des patrouilles de police. A Mekla, les jeunes de la ville sortent, certes, mais ceux des villages alentour préfèrent rester sagement chez eux. A Tigzirt, les citoyens de la ville sortent comme ailleurs prendre l'air après le f'tour mais essaient d'être chez eux avant les coups de 23h. Ce qu'il y a de remarquable, ce sont les locaux transformés pour la circonstance en salles de jeux. Ces dernières où se déroulent des parties de loto, sont toujours archicombles. La peur s'efface comme par enchantement face aux cartons de loto. Rencontrés dans la rue, plusieurs citoyens disent que «ce ne sont pas les sorties qui nous gênent, mais plutôt les prix pratiqués sur les vêtements et les chaussures pour enfants, qui nous font suer!» De fait, en vitrine le moindre pantalon pour enfant de trois ans affiche plus de 800DA, un ensemble pour bébé, 2000DA, le moindre chiffon vaut son... pesant d'or. Fort heureusement pour les familles pauvres, et elles sont de plus en plus nombreuses, il y a la friperie. A Draâ Ben Khedda, les monceaux de chiffons étalés sur les marchés informels de cette ville donnent l'occasion aux pères de famille de fouiller et certains arrivent à dégoter qui, une veste, qui, un pantalon et même souvent des chemises encore «mettables». On ne sait pas toujours la provenance de ces tas de chiffons, mais l'essentiel pour les modestes bourses est de pouvoir s'en sortir. Un père de famille est venu jusqu'à nos bureaux de Tizi Ouzou pour nous expliquer son désarroi face à ces dépenses qu'il n'arrive plus à suivre. «Je ne perçois comme salaire que 9000DA et j'ai une famille de six personnes. Comment voulez-vous que je m'en sorte quand, juste après la rentrée, il y a eu le Ramadhan et voilà l'Aïd qui est là! Il me faudra acheter au moins un pantalon et une chemise pour chacun des trois petits et une robe ou au moins une jupe pour les petites, sans compter les chaussures. Il ne faut pas oublier aussi les factures de gaz, d'électricité, le loyer et les autres dépenses auxquelles on est obligés de faire face: la viande de l'Aïd et le reste, encore faut-il prier pour que les enfants ne tombent pas malades!» Et notre visiteur d'ajouter: «Dites dans votre journal au ministère de la Solidarité, qui se gargarise de mots, qu'il y a, au bas mot, la moitié du peuple qui est pauvre!» Un peu plus qu'ailleurs, la région qui ne possède réellement pas d'agriculture et encore moins d'industrie, et avec des entreprises qui peinent à revenir, ayant trouvé ailleurs des cieux plus cléments, la Kabylie subit et prie pour des jours meilleurs.