En janvier prochain, Donald Trump sera de retour à la Maison-Blanche mais sa victoire au scrutin présidentiel du 5 novembre dernier donne, d'ores et déjà, de l'urticaire aux dirigeants européens. Prenant en compte son attachement au protectionnisme et les effets d'annonce déjà distribués sur une révision des droits de douane pour les importations américaines, les places fortes européennes mais aussi asiatiques ne cachent pas leur profonde inquiétude tant les conséquences sont prévisibles pour les échanges commerciaux mondiaux. Au cours de sa campagne, le bouillant milliardaire a, en effet, promis qu'il augmentera de 10 à 20% les droits de douane sur les produits importés, et plus encore à 60% ceux concernant les produits de la Chine. Avant même la crainte pour leurs exportations, les pays membres de l'Union européenne redoutent un virage à 180° sur le plan géostratégique, Trump ayant averti qu'il mettra fin au soutien à l'Ukraine et donc à l'OTAN. Partisan d'un deal constructif avec la Russie, il remet à l'ordre du jour son programme du premier mandat lorsqu'il exigeait des Européens qu'ils casquent davantage pour leur propre défense, n'hésitant pas à agiter le spectre d'une sortie des Etats-Unis de l'Alliance atlantiste. Sous pression, les Vingt-Sept étaient réunis, hier, en sommet à Budapest, autour d'un plan de réformes élaboré par l'ancien Premier ministre italien Mario Draghi pour tenter de sortir de l'ornière. Prônant la relance de la croissance par des investissements massifs dans l'innovation numérique, la transition verte et les industries de défense, Draghi présente un constat sombre et sans appel: l'Europe affronte un décrochage économique par rapport aux Etats-Unis et accroît dangereusement sa dépendance envers la Chine pour certaines matières premières et technologies stratégiques. Si elle n'adopte pas des changements radicaux, l'UE connaîtra «une lente agonie», résume le dirigeant italien. Mais l'Allemagne ne l'entend pas de la même oreille, ses voitures constituant le second marché après celui de la Chine aux Etats-Unis. La France n'est pas non plus à l'abri, ses exportations étant de 17% dans le secteur des médicaments et les taxes de Trump sur les vins, les fromages et le champagne en 2019 ont laissé de très mauvais souvenirs. Autre sujet mais pas des moindres, celui de la sécurité sur lequel Trump ne cache nullement ses intentions de remettre en cause les engagements de l'administration sortante en Ukraine et au sein de l'OTAN. Le président français Emmanuel Macron, alarmé par les risques énormes que la politique de l'administration républicaine ne manquera pas d'avoir, a exhorté ses partenaires européens à repenser sans tarder la défense commune et à prendre le taureau par les cornes. Mais n'est pas toréador qui veut. Mercredi, la porte-parole du gouvernement français a déclaré: «Nous devons nous interroger non pas sur ce que vont faire les Etats-Unis, mais sur ce qu'est capable de faire l'Europe. Sur un certain nombre de secteurs absolument clés, la défense, la réindustrialisation, la décarbonation, on doit prendre notre destin en main.» Si le triomphe du milliardaire américain ravive des souvenirs douloureux, l'autre peur d'une Union européenne en pleine déprime concerne son aversion pour les changements climatiques. Fervent adepte des énergies fossiles, il sème d'ores et déjà la panique dans le chantier des énergies renouvelables dans lesquelles l'UE s'est beaucoup engagée, au fur et à mesure des sanctions contre la Russie, son ancien et principal fournisseur en gaz et en pétrole.