Le sommet Chine-Union européenne qui se tiendra à Pékin les 16 et 17 juillet prochains intervient dans un contexte particulier : les surenchères commerciales entre Etats-Unis, Chine et Union européenne. L'augmentation par le président américain Donald Trump des taxes sur l'acier et l'aluminium, et des droits de douane sur plus de 800 produits provenant de Chine ont provoqué une taxation en retour de plus de 500 produits américains importés sur le territoire chinois. En parallèle, la décision prise par l'UE d'imposer des droits de douane additionnels sur des dizaines de produits américains importés, en réponse aux taxes imposées par Washington sur des produits exportés par plusieurs pays du monde, accroît l'impression d'une guerre commerciale qui serait lancée sur plusieurs fronts. On le voit dans le fait que Chine, UE et Russie aient saisi, chacun de leur côté, l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Certes, tous trois protestaient contre les mesures protectionnistes prises par les Etats-Unis, vues comme contraires aux règles d'un monde où le protectionnisme n'est plus censé être. Mais l'UE en profitait aussi pour se plaindre à l'OMC de l'attitude de la Chine en matière de transfert de technologie. Car si Chinois et Européens semblent réunis par leur aversion vis-à-vis des décisions commerciales américaines, cela ne préjuge pas pour autant d'une alliance, même objective, que les deux voudraient bâtir au nom de l'opposition à Washington. Dans les faits, les Européens continuent à être entretenus par leur volonté de s'inscrire dans le droit giron des Etats-Unis. Pays référent pour les valeurs fondatrices du projet européen (Etat de droit, démocratie, valeurs libérales...), les Etats-Unis se sont vu pardonner beaucoup de choses, même dans les temps les plus durs de leurs relations avec l'UE. Il suffit pour cela de se souvenir des frasques ayant accompagné l'époque Bush, et comment celles-ci suscitèrent tout au plus un malaise – passager – dans les relations franco-américaines. À l'époque, l'OTAN avait des fondements solides, les termes des relations commerciales américano-européennes demeuraient fonction des règles de l'OMC, et le positionnement belliqueux des Etats-Unis tant au Moyen-Orient et en Asie du Sud que dans le Pacifique ne semblait pas – trop – écorner les intérêts vitaux européens. L'ère Trump a mis les Européens devant certaines réalités douloureuses. Ainsi de l'OTAN, organisation où l'attitude américaine actuelle rappelle à l'UE qu'elle n'a tout simplement pas d'armée commune ; de certains principes humanistes, devant lesquels l'Administration Trump affiche volontiers un déni franc ; des notions de paix et de sécurité, auxquelles le président américain a tordu le cou tant par ses conceptions migratoires que par ses choix contradictoires sur les dossiers iranien, nord-coréen, palestinien ou encore syrien ; ou encore des questions commerciales, les orientations des Etats-Unis en la matière faisant regretter aux Européens les polémiques contenues sur les termes du Traité de libre-échange transatlantique. Les Européens, toujours empêtrés dans les termes de leur désunion interne (convergence franco-allemande encore fragile, Brexit, désaccords internes profonds qui dépassent ledit-clivage Est-Ouest...), ont maintenant un sentiment évident de perdition, sur fond de sérieuse crise identitaire. Cependant que la figure états-unienne les lâche, la Russie ne peut leur être d'aucun secours, pour des raisons politiques mais aussi historiques et idéologiques. En parallèle, le sommet UE-Chine des 16 et 17 juillet prochains s'accommode mal de la manière par laquelle Pékin est lancé dans une opération parallèle de charme dans le cadre du "16+1", initiative dont sont membres 11 pays ("de l'est") de l'UE auxquels la Chine promet plus d'investissements économiques. Quid dès lors de la foi chinoise dans une UE unie ? Le sommet UE-Chine se voit précédé, ces jours-ci, d'un sommet de l'OTAN. En l'espace d'une semaine, les Européens vont ainsi expérimenter successivement un ton américain ferme et exigeant, et une approche chinoise aux contours plus mielleux. Mais Américains comme Chinois sauront formuler leurs exigences ; les Européens, a priori, non. Accuser dès lors Américains et Chinois de chercher à entretenir la désunion des Européens n'a pas grand sens ; ceux-ci s'en chargent très bien par eux-mêmes, et ils restent malheureusement les responsables premiers de leur défaite commerciale, faute pour eux de vouloir forger leurs propres exigences et instruments. B. M. (*) Barah Mikail est enseignant-chercheur à Madrid et directeur de Stractegia Consulting