«Tous les jours, vers 23 h, on entend le passage des camions, des tirs d'armes automatiques et des éclats d'engins explosifs, sur les hauteurs d'Akfadou, d'Adekar et de Yakouren.» Tels ont été les propos d'un citoyen riverain des régions citées à propos des ratissages militaires entrepris en Kabylie. Des hélicoptères sont encore opérationnels pour participer à resserrer l'étau et maîtriser le maillage élaboré par l'ANP, et appuyé par les différents corps de sécurité. Que ce soit la forêt de Boumahla, entre Sidi Naâmane et Mizrana, sur les hauteurs limitrophes de Béjaïa et de Tizi Ouzou, ou encore dans les espaces montagneux et particulièrement boisés de Takhoukht, Sidi Ali Bounab et Mizrana, les ratissages ont agi de concert en y mettant de gros moyens humains et logistiques. Pour le moment, aucun bilan n'a filtré, les chefs militaires menant les opérations se refusent à tout commentaire. Mais on peut, d'ores et déjà, établir que plusieurs caches terroristes ont été découvertes et détruites. Beaucoup de matériel, qui a servi aux groupes armés du Gspc, a été récupéré. C'est le cas, par exemple, du matériel récupéré à Bouira (micro-ordinateurs). Les plus importantes «réussites» de cette opération sont certainement les ateliers qui servent à la fabrication des engins explosifs, et au moins une bonne dizaine de ces ateliers ont été détruits. La «meilleure trouvaille du mois» est, sans aucun doute, la grande galerie souterraine de Bouzegza, dans la wilaya de Boumerdès. Véritables axes routiers souterrains, ces galeries ont permis de mettre à jour la grande poudrière du Gspc, qui alimentait aussi bien les groupes du Centre que ceux de l'Est. La nouvelle que Hattab était parmi le groupe d'hommes encerclé dans l'Akfadou importe moins que la donne qui renverse la vapeur en faveur d'une reprise des choses en main par l'autorité militaire dans la région kabyle. Que le Gspc s'y sente aujourd'hui traqué est essentiel pour la suite des événements. Car depuis trois années, pratiquement de 1999 à fin 2001, le Gspc y a tissé une véritable toile d'araignée et a développé une stratégie de «vie communautaire» pour le moins inquiétante. La mobilisation de gros moyens de lutte antiterroriste dans la région kabyle répond à la grande liberté que les troupes de Hattab y trouvent. Depuis la «déclaration officielle» de la création du Gspc, en octobre 1998, la région kabyle est devenue une sorte d'aire d'activité naturelle de cette organisation. La forme de vie en symbiose avec les populations autochtones que le Gspc a adoptée n'a pas été à la hauteur des attentes de Hattab. Dans une large mesure, la population a «rejeté le clin d'oeil» qui lui a été fait par cette organisation, qui a joué sur les susceptibilités locales, la fragilité du contexte sociopolitique créé depuis les événements d'avril 2001 et le rejet des services de sécurité induit depuis lors. La neutralisation des services de sécurité aussi bien en ville qu'en dehors des agglomérations avait permis aux groupes du Gspc de se manifester de jour comme de nuit, de faire basculer les esprits les plus radicaux vers une violence jamais égalée en Kabylie depuis l'indépendance. Depuis quelques semaines, la reprise en main de la région par les services de sécurité combinés répond à une double exigence: mettre en échec la stratégie du Gspc dans la région en opérant des «ratissages par secteur» (chaque zone regroupe entre vingt et quarante éléments armés) et couper les ponts entre les différents groupes tentés de se refondre, par intermittence, dans une force de frappe importante. Depuis la mort de Zouabri, il y a de fortes chances pour que les derniers irréductibles du GIA prêtent allégeance au chef du Gspc. Les ratissages entrepris entre Tizi Ouzou et Boumerdès sont un barrage à toute tentative de tractations entre les uns et les autres. Fort de ces deux cents ou deux cent cinquante hommes armés, structurés et disciplinés, le Gspc occupe la plupart des maquis entre Bouzegza (fief originel) et l'extrême-est du pays. Sa zone de prédilection reste toutefois la région kabyle, où les enjeux politiques et sociaux ont tellement embrouillé les donnes qu'il reste de rigueur d'y être très à l'écoute des messages lancés.