On a retrouvé un Belkhadem détendu, à l'aise, vêtu d'une combinaison de démineur méticuleux. Il encaisse sans fléchir, désamorce les questions pièges avec sérénité, comme un artisan devant son ouvrage. Belkhadem écoute, évalue les risques puis s'emploie à tisser sa réponse par un exercice de perfectionnement du style. Tout est dans le verbe. Il fait preuve d'une maîtrise de la langue. Ce sera son meilleur atout. Les questions fusent, aussi abracadabrantes les unes que les autres, mais l'interviewé reste imperturbable. Il élude certaines, modifie la formulation d'autres en apportant des corrections à d'autres, s'étale sur les idées qu'il veut développer. Le dossier sensible de la sécurité reste la priorité dans le débat de l'heure. «Le kidnapping est un nouveau phénomène, on demande désormais des rançons mais il est cerné dans une seule région...des initiatives ont été prises pour le combattre»; «la corruption n'est pas un phénomène nouveau; la nouveauté réside dans la transparence; les dossiers sont nombreux; il faut laisser la justice faire son travail; mais la corruption ne concerne pas seulement les responsables politiques mais toute la société qui doit la combattre». «Il ne faut pas avoir peur du retour du terrorisme, il y a des gens qui ont voté contre la réconciliation nationale; elle (la réconciliation) ne mettra pas fin au terrorisme car si un seul terroriste sévit il peut nuire à l'ordre public; il n'y a pas d'autre alternative». Hélas. Puis les chiffres tombent: «Près de 17.000 terroristes ont été tués par les services de sécurité dans le cadre de la lutte contre le terrorisme depuis l'apparition de ce phénomène en Algérie»; «16.930 terroristes ont été tués depuis le début du terrorisme en Algérie et 4 800 actes de décès ont été délivrés par les services de la Gendarmerie nationale et 4460 autres par les services de police». Le nombre de disparus recensés s'élève à 6601 cas, ajoutant dont 3610 personnes de leur famille ont reçu des décisions de justice à la fin du mois d'août dernier. S'agissant de la prise en charge des familles de terroristes nécessiteuses, dans le cadre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, il indique que 10.346 enquêtes sociales ont été effectuées et que 6052 dossiers ont été étudiés, dont 3769 ont été acceptés. La réintégration des personnes ayant fait l'objet de licenciement depuis le début de la crise concerne 13.320 personnes; on compte 4690 demandes de réintégration et 3100 demandes d'indemnisation. Il précise que beaucoup d'entreprises ont été dissoutes depuis. Il minimise les entraves à l'application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale sur le terrain. Il met la lenteur dans le traitement des dossiers sur le compte de l'incompréhension des textes. Belkhadem ne met pas terrorisme et banditisme dans un même sac. Il reste dans le lexique classique sans trop vouloir s'aligner sur le discours ambiant que développe, par exemple, un Boudjerra Soltani en verve. Il s'abstient de tirer des conclusions hâtives même si, du point de vue d'une opinion publique désinformée à outrance, les barrières entre terrorisme et banditisme ont été franchies depuis longtemps. Belkhadem a réussi son examen. Il entre désormais dans son habit de Premier ministre très au fait des dossiers dont il a la charge.