La crainte de se voir exclu à n'importe quel moment du parti ôte la dernière fibre de résistance. Au FLN, personne n'a le droit d'exclure personne. Cette donne essentielle mérite d'être rappelée. Mieux, lorsqu'un militant quitte le parti pour un autre - comme cela s'était produit en 1997 - et veut réintégrer le FLN, on ne lui dit jamais «vous n'avez pas le droit de revenir», mais on étudie d'abord son dossier s'il n'a pas fait de déclarations contre son parti d'origine et s'il a eu un comportement digne de militant qui peut se tromper parce que trop ambitieux. Le FLN est donc le seul parti où on ne peut exclure les militants. Tout militant, quel que soit son statut ou le rôle qu'il a joué à un moment donné, reste militant pourvu qu'il renouvelle sa carte chaque année et paie ses cotisations. S'il y a un manquement à cette formalité, il peut toujours renouer avec son parti en revenant à de meilleurs sentiments en passant par sa kasma qui décidera. Dans les autres partis politiques, cette liberté n'est pas respectée. On l'a vu chez les partis qui se disent «démocrates» comment on brandit l'épée de Damoclès au-dessus des têtes de militants pour les amener à faire allégeance au chef. Au RCD ou au FFS, y compris dans les partis de la mouvance islamique, les frondeurs du MSP, d'Ennahdha et même de l'ex-FIS -comme au congrès de Batna- les militants sont exclus des effectifs comme s'il s'agissait d'une discipline de caserne. A l'approche des élections, les frondeurs doivent ronger leur frein. Tout ce qu'ils ont dit à un moment de leur vie et qui pourrait être traduit comme délit de lèse-majesté pourrait être retenu contre eux. La classe politique algérienne a connu des purges atroces qui l'ont rendue inopérante au fil des ans. Qui se souvient d'Aït Larbi, feu Naït Djoudi, Ali Rachedi, Mokdad Sifi, Kacem Kebir, Merani, Kherbane et de beaucoup d'autres connus ou moins connus qui ont fait les frais de la politique d'exclusion. Quand Taleb Ibrahimi a voulu se présenter à la présidentielle en 1999 sous les couleurs du FLN -contre le candidat Bouteflika- le secrétaire général de l'époque, Boualem Benhamouda, lui avait simplement dit d'aller payer ses cotisations dans sa kasma. On ne sait si Taleb est encore militant du FLN ou s'il a cessé de payer ses cotisations. C'est également le cas pour Hamrouche et Benflis. Tous ces gens-là sont militants à part entière et peuvent, le cas échéant, se présenter aux élections s'ils le désirent. L'exclusion représente aujourd'hui un mal absolu pour une classe politique encore fragile. Les comportements des chefs de parti ressemblent à ceux des capitaines d'entreprise qui font la pluie et le beau temps, font monter qui ils veulent ou gomment qui ils veulent. A cause de ces agissements antidémocratiques, la classe politique algérienne n'a pas pu se régénérer. Comme elle n'a pas pu enfanter une race de politiques. On garde les mêmes hommes, les mêmes réflexes et les mêmes habitudes. Alors que le propre d'un parti est la création d'idées, d'alternatives. Il se trouve que les nouveaux profils sont porteurs de nouvelles idées. Quand on leur barre la route, on condamne le parti à la paralysie pour l'éternité. Mais, en sus, ce sont ceux-là mêmes qui s'empressent de presser les autorités à fermer la porte aux autres qui veulent créer leurs propres partis. Ils préfèrent donc maintenir le statu quo. Ils vivent de réactions et contre-réactions aux faits, sans aucune prise sur les événements, sans anticipation. Lorsqu'on entend les mêmes slogans à chaque campagne électorale, on évalue mieux l'état dans lequel se débat une classe politique improductive en raison de sa léthargie. Quand chacun accuse l'autre de «stalinien» on est tenté de croire que le «stalinisme» a encore de beaux jours.