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Deux ou trois choses sur Sid Ahmed Ghozali
In memoriam
Publié dans L'Expression le 09 - 02 - 2025

Quand j'ai décidé d'approcher Sid Ahmed Ghozali fin octobre 2004, je ne le connaissais que par son «papillon» qui lui donnait une certaine originalité dans la classe politique. Il avait très tôt compris que pour paraître, il faut apparaître différent des autres. Ce qu'on appelle en communication la différenciation. Je l'appelle donc, je me présente et c'est un Ghozali enthousiaste qui me répond: «Mais ça fait longtemps que j'attends ton appel! Tu as complètement disparu... Tu passes à la maison quand?» Cette réaction me laissa sans voix. Je ne savais pas que j'étais si connu au point de soulever tant d'ardeur chez un homme qui a côtoyé tant de grands en Algérie où il fut ministre sous Boumediene et Chadli, et même chef de gouvernement. J'ai dû me pincer pour ne pas me prendre pour ce que je n'étais pas: une star.
Je n'avais écrit que deux livres, Comme des ombres furtives et Chronique d'une élection pas comme les autres, pas de quoi susciter autant de chaleur, on est bien d'accord, mais alors quoi? Se rappelait-il du reporter sportif de la radio qui commentait les matches ou bien du journaliste dans la presse écrite, sinon de ma biographie de Belloumi? Mais tout cela est loin, très loin, m'étais-je dit, et ne valait vraiment pas une telle allégresse. J'entendais comme dans un brouillard Ghozali me dire avec empressement: «Tu passes demain, hein?» Je n'en demandais pas tant car j'avais en tête le projet d'écrire un livre racontant les péripéties des différents chefs de gouvernement et Premiers ministres de notre pays depuis l'indépendance. J'avais déjà rencontré Benbitour, Hamrouche (dans les années 1990) et Benflis en attendant Réda Malek avec qui j'avais rendez-vous. Le lendemain, comme par hasard, c'était le 1er Novembre. Je trouvais Ghozali en train de m'attendre à la porte d'une villa qui se trouvait tout en bas, comme en creux, d'un grand jardin. Il n'avait pas son noeud papillon. Tenue du vendredi: pantalon velours et gros chandail. Dès qu'il me vit il lança avec un sourire qui découvrit son diastème des dents du devant: «Je savais bien que tu n'étais pas Si El Hadi Khediri mais je ne voulais pas le reconnaître.» Imaginez ma tête. J'étais penaud, prêt à rebrousser chemin, victime d'une confusion en forme d'usurpation d'identité dont je n'étais pas l'auteur. Au moment où j'allais m'excuser pour repartir, il lança avec un grand rire: «Au temps pour moi; viens, c'est l'occasion de mieux se connaître.» En parlant, il dégageait une sorte de chaleur bienfaisante qui se manifestait par ses bras ouverts comme s'il voulait accueillir sur sa poitrine son interlocuteur. J'étais devant l'un des hommes qui a contribué à bâtir l'Algérie post-indépendance, l'un des rares Algériens ingénieurs de la prestigieuse Ecole nationale des ponts et chaussés de Paris. Avec lui, me croirait-on, je sentais un parfum d'hier à nul autre pareil, celui de l'Algérie des premières aurores, des premiers frémissements après la longue nuit coloniale. Oui, j'étais devant un homme qui avait été l'un des modèles de notre génération qui avait la vingtaine dans les années 1970. Je lui expliquai mon projet. Il me parla alors avec une extrême franchise, y compris de la terrible maladie de son épouse qu'il perdit quelques années plus tard. L'homme politique qu'il détestait le plus? Bouteflika. Mais pas une détestation aigre, de jaloux plein de ressentiments; non, c'était plutôt une sorte de colère où l'incompréhension le disputait à l'indignation. Il ne comprenait pas pourquoi Bouteflika ne l'avait jamais invité à la cérémonie du 1er Novembre, me prenant à témoin, puisqu'on était à cette date qu'il considérait comme sacrée: «Quand on occupe un poste de responsabilité au sein de l'Etat, il faut aimer et servir le peuple qu'on représente, à plus forte raison quand on est Président, et ne pas raisonner comme un chef de clan, en rejetant tous ceux qui ont le malheur de vous déplaire...» Tout cela dit avec beaucoup de passion comme s'il avait aimé passionnément celui qui l'aurait marginalisé. En vérité, comme me le confiera un de ses amis, Ghozali ne sait pas détester. Il ne sait qu'aimer. On resta ensemble pendant plus de trois heures en parlant de tout ce qui m'intéressait pour mon ouvrage: comment il a été nommé chef du gouvernement, ses rapports avec Chadli, etc. Il fut d'une franchise totale au point de me nommer un ministre d'un portefeuille important dont il ne voulait pas dans son équipe pour des raisons qu'il ne serait pas opportun de révéler ici mais que le Président lui a imposé. Il ne comprenait toujours pas l'insistance de Chadli pour ce ministre. Puis, en guise de cerise sur le gâteau, on en vint à son noeud papillon. Explication avec un sourire espiègle comme s'il se rappelait d'un souvenir cher à son coeur: «Je mettais au départ des cravates classiques mais, comme à chaque fois, elles tombaient soit dans mon assiette, soit je les tachais, j'ai trouvé qu'il était plus pratique de mettre des noeuds papillons.» Ni pose. Ni posture. Ainsi, a-t-il créé, à son insu de son plein gré, un style qui le distinguait de ses pairs. Le seul qui aurait pu lui disputer la palme de l'élégance était Taleb-Ibrahimi, mais il n'était plus au gouvernement. Il y avait aussi Chadli au début, mais lui, non plus, n'était plus Président, démissionné ou démissionnaire, conjoncture oblige.
Nous nous quittâmes, et je ne le revis que vingt ans plus tard, par le plus grand des hasards: à la cérémonie du mariage du fils d'un ami commun en janvier 2024. Dès qu'il me vit, il me demanda de m'asseoir près de lui, autour de la grande table d'honneur qui réunissait du beau et vieux monde. Je lui lançais: «Vous vous rappelez de moi?» Il me répondit par une accolade en murmurant: «J'ai toute ma tête et j'ai une très bonne mémoire: je voulais croire que tu étais Khediri, mais tu es bien Grine!» Incroyable, je retrouvais intacte la même chaleur communicative, la même ferveur, qui vous donnait l'impression d'être, à ses yeux, l'homme le plus important du monde. Comment dire, il grandissait ceux avec qui il parlait. Certains ministres de son gouvernement (1991-92) en témoignent encore. Cet amour pour les autres fait partie de son ADN. Il était comme ça, voilà tout, et c'est tant mieux qu'un pareil homme existât.
Comme j'étais en train de terminer un livre sur Sénac, je l'interrogeai sur l'aide qu'il avait apportée au poète sous forme de récitals poétiques financés par Sonatrach. Avait-il au préalable reçu l'aval de Boumediene? Il manqua de s'étouffer: «Pourquoi l'aval? Je n'avais pas besoin de son autorisation. Je n'aurais d'ailleurs pas accepté qu'il se mêle des oeuvres sociales de mon groupe. Lui, il gérait l'Algérie et moi Sonatrach.» Il ajouta qu'il aimait beaucoup le poète et qu'il avait même mis en exergue un vers de ses poèmes dans son livre Question d'Etat. Il ajouta dans la foulée: «J'ai toujours aimé les arts et la culture, j'aime et je respecte les vrais artistes.» J'aurais pu lui dire que lui aussi était, à sa manière, un artiste de la politique.
Rapidement, on bifurqua vers la politique. Il était pour l'union sacrée de tous les Algériens qui doivent, comme l'a fait le FLN en son temps avec les différents partis, mettre de côté ce qui les divisait pour former une alliance pour défendre notre pays. Sa pensée était claire, son verbe coulait de source: «Nous avons moins besoin de démocratie que de justice et moins besoin de liberté que d'ordre, surtout dans cette conjoncture internationale très périlleuse pour les pays fragile.»
Il ajouta: «Notre génération a passé le témoin à celle de Tebboune qui a d'ailleurs été ministre pour la première fois dans mon gouvernement, excellent ministre d'ailleurs.» Comme il était sollicité par d'autres personnes, il me demanda mon email pour qu'on poursuive notre échange.
Je le lui envoyais par SMS. Il ne m'écrivit jamais. Moi non plus. Chacun emporté par le tourbillon de la vie. Ce que je garde de lui pourrait se résumer en un mot: grande clairvoyance politique et grand coeur. Un coeur en forme d'Algérie. Voulez-vous savoir ce qu'est un seigneur? Pensez à Sid Ahmed Ghozali. Pensées émues pour ce grand disparu à qui j'avais oublié de dire merci. Merci pour ce qu'il a symbolisé à un certain moment de notre histoire.


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