Les crises que notre société a endurées nous dictent de venir à bout de l'affaissement moral qui en a résulté, ainsi que des ravages causés à l'image d'une Algérie dont la gloire était autrefois inégalée. Rien ne laissait présager cet aboutissement du processus postcolonial dont les premiers jalons ouvraient des horizons prometteurs. Les choses ayant pris une tournure inattendue, le pays a été confronté à des épreuves qu'il a réussi à surmonter avec peine et douleur. Aujourd'hui, un autre processus s'ouvre dans un contexte mouvant. Il oblige à une implication de chacun et de tous, ainsi qu'à une adaptation de l'action publique aux défis et enjeux persistants ou nouveaux. À cet égard, le trouble observable une fois de plus dans nos structures d'enseignement rappelle que l'éducation reste un enjeu majeur ouvert à la réflexion. Ce trouble reflète les lacunes d'un modèle en évolution dans un pays qui bouge. D'où l'inévitable perplexité sur les voies et moyens d'une approche éducative centrée sur les intérêts d'avenir de la société et ses attentes. Pour dissiper cette perplexité, les instances concernées ne partent pas de zéro, mais d'un socle érigé durant près de 50 ans (1964-2010) via 7 faits marquants: 1- la lutte contre l'illettrisme grâce à un Centre national d'alphabétisation (1964); 2- la relance de la langue arabe (1966) par «bonds successifs» (cf. T. Ibrahimi, 1973); 3- la 1re réforme de l'enseignement supérieur (1967); 4- l'école fondamentale qui regroupe les cycles primaire et moyen en un cycle unique de 9 ans dans le cadre des grandes réformes de la Charte nationale de 1976; 4- l'enseignement du tamazight (1995), puis sa reconnaissance comme langue nationale (2002) et officielle (2016); 5- «les référentiels et l'expertise des programmes» par une commission nationale habilitée (2000); 6- la création d'une Commission nationale de réforme du système éducatif (2000) de 157 membres dont le rapport (2002) porte sur les programmes et la pédagogie, la formation et le perfectionnement de l'encadrement, ainsi que l'organisation qui abolit l'école fondamentale (B. Benbouzid, 2009); 7-l'introduction de la technologie numérique (2010). C'est dans le sillage de ces réformes qu'est créée en 2025 la Commission nationale de la qualité des programmes. Ce qui confirme l'intérêt constant de l'Etat, lequel découle de la doctrine de la Révolution visant à substituer à l'indigène réduit à une posture stérile par une politique coloniale d'obscurantisme, un Algérien nouveau dans un pays nouveau. En effet, 4 millions d'enfants âgés de plus de 15 ans (3 sur 4) étaient illettrés en 1964, tandis qu'après 125 ans de colonisation (en 1954/1955), à peine «12 % des 2 400 000 musulmans de 6-14 ans, et seulement 18 % des 35 000 enfants du secondaire étaient scolarisés» (S. Jouin & consorts, 2001). D'où l'idée de «révolution culturelle» brandie en guise de solution dans la Charte nationale (1976). Aujourd'hui, le pays a changé, mais pas la finalité de cette idée qui est d'«élever le niveau (…) scolaire et de la compétence technique, de favoriser le développement culturel et le vivre- ensemble», ainsi que la citoyenneté active et le lien social. Autant d'exigences que seule une école réformée peut remplir, c'est-à-dire une institution ouverte aux grandes mutations de notre époque que les auteurs des manuels scolaires sont tenus de prendre en compte dans les objectifs, les savoirs fondamentaux, les orientations pédagogiques et les critères d'évaluation. Somme toute, l'essentiel n'est pas la lourdeur gênante des cartables qui fait le buzz; il est dans l'enjeu de la réforme de l'école primaire qui se décline en 4 questions essentielles: 1- quel but stratégique lui assigne-t-on? 2- sur quels principes le référentiel dédié aux élèves de 6 à 11 ans peut-il asseoir sa pertinence et assurer la cohérence de ses objectifs? 3- qui peut garantir la qualité des apprentissages? 4- qu'impliquent les mutations de l'époque actuelle? Relativement au but, il est principalement de préparer la réussite des élèves de 12 à 16 ans dans l'enseignement moyen. Concernant le socle de référence, on sait que l'Ecole normale supérieure et les comparaisons internationales insistent sur l'impératif d'apprendre dès le primaire à lire et à écrire, à compter et à raisonner; à réfléchir et à expérimenter; à découvrir l'histoire et la géographie, les arts visuels et la musique, les langues et les TIC, Internet et les médias; à exercer le jugement, la sensibilité et le sens de l'observation; à développer les capacités motrices et l'imagination créatrice; sans oublier ni l'éducation à la citoyenneté et l'instruction morale et civique ni l'argumentation et le débat. Quant à la garantie de la qualité des apprentissages, elle tient à la formation et au perfectionnement des enseignants, ainsi qu'à leur valorisation morale et matérielle. S'agissant des mutations du monde dans tous les domaines, elles impliquent à la fois des spécialisations et des reconversions qui requièrent une éducation scientifique et technologique préparant les individus à s'adapter et à rebondir plus tard, si nécessaire. Au final, la réforme de l'école primaire qui est «le pilier fondamental des succès futurs» (cf. C. Thélot, 2004) est vitale. Elle équivaut à une course de fond par avancées graduelles sur 5 ans que l'Algérie en quête de renouveau engage avec raison. *Membre du Conseil de la nation