Certains habitants de ces quartiers populaires, révoltés par les dépassements des dealers, n'hésitent plus à s'investir dans cette lutte contre la drogue. La consommation de la drogue, sous toutes ses formes, est un fléau qui progresse à un rythme hallucinant en Algérie. La sonnette d'alarme a, à plusieurs fois, été tirée par différents organismes aussi bien sécuritaires que socio-éducatifs. Le phénomène touche toutes les couches sociales, sans distinction aucune, et prend des proportions alarmantes. Les chômeurs, les travailleurs, les étudiants, et même les écoliers n'y échappent pas. Aussi bien dans les grandes villes que dans la campagne, le phénomène prend de l'ampleur. Les dealers se multiplient et les «clients» poussent comme des champignons. Cette vue caricaturale est malheureusement dramatique pour la société algérienne. L'Algérie a la malchance (éternelle?) d'avoir comme pays voisin le Maroc, qui se trouve être le premier producteur mondial de cannabis. Nous sommes donc le premier client de la «marchandise» fourguée par nos voisins qui ont la tradition de cultiver ce poison sur des vastes étendues de terre. Les chiffres livrés à longueur d'année par les services de sécurité au sujet des délits se rapportant à la diffusion et à la consommation de la drogue, sonnent comme des rappels à l'ordre en direction des chargés de la lutte contre ce phénomène dévastateur. Les récentes mesures de durcissement des décisions de justice contre les auteurs de délits prises par le ministère de la Justice est un signal fort qui rend compte de la volonté affichée par les pouvoirs publics de faire face à la propagation des crimes. Les récidivistes sont les premiers ciblés par les nouvelles mesures car la situation est devenue explosive. Les cellules de prisons implantées dans les villes, ne sont plus dissuasives. Pour certains repris de justice, cela ne représente qu'un lieu de répit avant de passer à d'autres «conquêtes». Pour les dealers, surtout, l'emprisonnement ne signifie pas pour autant la fin des «affaires». Bien pris en charge dans la cellule, ils n'hésitent pas à diriger leur commerce de l'intérieur en attendant de bénéficier de l'une des «grâces» qui réduisent la durée de mise à l'écart de la société. Alger, Oran, Annaba et Constantine sont les places fortes de la criminalité. La majorité des toxicomanes sont issus de familles nombreuses. L'influence de l'entourage est irréversible. Le lieu de résidence, l'école fréquentée, les amis et les parents sont souvent des éléments déterminants dans l'adhésion des jeunes à la consommation de la drogue qui ne se limite plus à la résine de cannabis mais tend à se diversifier avec l'apparition récurrente, à travers les saisies opérées par les services de sécurité, de drogues dures plus dévastatrices telles que l'héroïne et la cocaïne. Au cours des dix dernières années, la Gendarmerie nationale a traité quelque 10.750 affaires de trafic de stupéfiants ayant abouti à l'arrestation de plus de 19.000 personnes et à la saisie de 21.087kg de résine de cannabis, ainsi que 520.000 comprimés de psychotropes. Et ce n'est là qu'un petit échantillon que présente l'un des corps de sécurité chargés de la lutte conte la drogue. L'année dernière, une enquête menée dans quatre villes du pays par la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem) a conclu que la moitié des drogués ont moins de 20 ans, et la répartition géographique des toxicomanes se recoupe avec les régions durement frappées par la violence terroriste. Elle fait ressortir aussi un phénomène inquiétant: la consommation de la drogue dans les milieux scolaires s'est accélérée. En passant de statut de pays de transit à celui de pays consommateur, l'Algérie s'est retrouvée en plein dans la tourmente. Une menace réelle pèse désormais sur la santé physique et mentale des nouvelles générations. La saisie de 435kg de résine de cannabis et de 15.874 comprimés de psychotropes par les services de la police judiciaire de la wilaya d'Alger, pour les six premiers mois de l'année 2006, sont les indicateurs d'une situation plus que préoccupante qui appelle à plus de mobilisation citoyenne et à une intervention lourde de la part des services de sécurité. C'est, d'ailleurs, dans ce sens que la Direction générale de la Sûreté nationale a initié un vaste programme d'implantation d'un réseau de police de proximité pour contrecarrer la propagation de ce fléau dans les quartiers et les cités même. C'est là que se font les «transactions commerciales» entre dealers de tout acabit. C'est à la fois le refuge et le paradis des toxicomanes. Une quarantaine d'associations de la société civile activent actuellement sur le terrain pour sensibiliser les citoyens contre les méfaits de la consommation de la drogue alors que plus de 12.000 policiers sont déployés à travers le territoire national. Mais il reste que la passivité aussi bien des citoyens que des éléments des services de sécurité, constatée sur le terrain, a encouragé les dealers à continuer de fructifier leur commerce «illicite». L'implication des agents de sécurité dans les réseaux de trafic de drogue, plusieurs fois signalée dans les articles de presse et pris en charge par la justice, montre bien toute la difficulté qui caractérise la lutte contre ce phénomène. Une lutte qui semble être prise à bras-le-corps par les hautes autorités du pays. La nomination par le président de la République de l'ancien procureur de la cour d'Alger, Abdelmalek Sayah, à la tête de l'Office national de lutte contre la drogue, avec de larges prérogatives pour coordonner son travail avec les différents services de sécurité, va dans le sens d'une prise en charge prioritaire de la question de la lutte déclarée contre les narcotraficants. Cette nomination est venue dans le sillage du discours du président de la République qui avait mis l'accent sur «la nécessité de faire face aux maux sociaux étrangers à notre société, comme le fléau de la drogue qui commence à prendre de l'ampleur dans le milieu juvénile». Ce qui a donné un peu d'espoir à la population de voir les dealers prendre un profil bas après avoir régné en maîtres incontestés des lieux publics et dans les cités des quartiers populaires. Certains habitants de ces quartiers populaires, révoltés par les dépassements des dealers, n'hésitent plus à s'investir dans cette lutte pour nettoyer leur territoire des marchands de la déchéance humaine.