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L'Etat français est-il complice?
ASSASSINAT DE MEHDI BEN BARKA
Publié dans L'Expression le 25 - 11 - 2006

Le ministre marocain de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, a conseillé au juge français de demander l'assistance du gouvernement français qui détient encore d'importants documents en rapport avec cette affaire.
Le bras de fer entre les autorités judiciaires marocaines et le magistrat français, attendu par les observateurs, est en train de prendre des proportions insoupçonnées jusque-là. La manière d'agir du juge, Patrick Ramaël, agace de plus en plus les autorités de Rabat en décidant de contourner l'appareil judiciaire marocain dans l'enquête sur l'assassinat de Mehdi Ben Barka, dans la capitale française le 29 octobre 1965, qu'il entend mener jusqu'au bout.
Le magistrat français, Patrick Ramaël, avait convoqué en son bureau parisien cinq témoins clés, dont le commandant de la gendarmerie, le général Hosni Benslimane, Ahmed Boukhari, ancien agent des services de renseignement marocains, Boubker Hassouni, l'infirmier qui aurait drogué Ben Barka, Driss Benzekri, président du conseil consultatif marocain des droits de l'homme et président de l'Instance équité et réconciliation (IER) et Miloud Tounsi, organisateur présumé du rapt.
Le magistrat a essuyé une réplique sèche, mardi dernier, de la part du ministre marocain de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, qui lui a conseillé de demander l'assistance du gouvernement français qui détient encore d'importants documents en rapport avec cette affaire de disparition de l'opposant marocain.
Pour rappel, pour montrer sa détermination à aller jusqu'au bout de l'enquête, le magistrat français a adressé directement les convocations à ces cinq «témoins», sans passer par son vis-à-vis marocain, le juge Djamel Serhane qui, lors de la première commission rogatoire, en novembre 2005, avait indiqué qu'il ne connaissait pas l'adresse des personnes concernées par ce dossier noir.
Ce qui confirme, en des termes à peine voilés, la complicité de certains milieux policiers français dans la préparation et l'exécution du rapt qui s'est déroulé dans la capitale française. Le journaliste français de l'Express, Jean-Marie Pontaut, dans un article daté du 13/04/2006 sous le titre «Le pouvoir savait», (français ndlr), révèle que des rapports d'écoutes ont été rédigés pour le ministère de l'Intérieur quelques jours avant l'enlèvement de l'opposant marocain, à Paris, le 29 octobre 1965. Un document publié par l'ancien commissaire, Lucien Aimé-Blanc, prouve que les services de police ne pouvaient ignorer que quelque chose était en préparation.
La question qui se pose maintenant et à laquelle le juge, Patrick Ramaël, est appelé à donner des réponses pour la crédibilité de son enquête, concerne le degré d'implication de l'Etat français dans l'élimination d'un opposant politique à un régime qui a des attaches et une amitié solides avec la France officielle.
Le crime perpétré à Paris reste un tabou pour les Etats français et marocain, dont les services secrets ont de tout temps été soupçonnés de complicité dans le macabre geste.
La forte amitié qui liait Hassan II et François Mitterrand, a étouffé toute velléité de sortir le dossier de l'ombre. Le général de Gaulle, alors chef d'Etat, était-il au courant du scandale?
D'après la presse française, il avait voulu clore l'affaire Ben Barka, lors de sa conférence de presse tenue le 21 février 1966, par sa fameuse et énigmatique phrase, demeurée d'ailleurs célèbre: «Du côté français que s'est-il passé? Rien que de vulgaire et de subalterne. Rien, absolument rien, n'indique que le contre-espionnage et la police, en tant que tels et dans leur ensemble, aient connu l'opération, a fortiori qu'ils l'aient couverte.»
Une manière de disculper l'Etat français en tant que tel et de laisser entendre que les «Français» mêlés à cette sale affaire, policiers ou agents des services spéciaux, n'avaient jamais prévenu leur hiérarchie de cette opération montée par les autorités marocaines sur le territoire français.
Les milieux médiatiques ont même relevé, durant son mandat, les piques de colère du président dès que le sujet est abordé avec son ministre de l'Intérieur et les chefs de la police.


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