Le leader de la gauche marocaine a disparu dans la capitale française le 29 octobre 1965. Le magistrat français, Patrick Ramaël, chargé du dossier de l'affaire Mehdi Benbarka, opposant marocain assassiné à Paris, a convoqué à son bureau parisien, pour mardi prochain, cinq témoins-clés, dont le commandant de la gendarmerie, le général Hosni Benslimane, Ahmed Boukhari, ancien agent des services de renseignement marocains, Boubker Hassouni, l'infirmier qui aurait drogué Benbarka, Driss Benzekri, président du conseil consultatif marocain des droits de l'homme et président de l'Instance équité et réconciliation (IER) et Miloud Tounsi, organisateur présumé du rapt. Le leader de la gauche marocaine a disparu dans la capitale française le 29 octobre 1965. L'exposé des faits figurant dans le rapport de la commission rogatoire dépéchée au Maroc par le juge français est détaillé. Au moment des faits, benbarka a été accosté devant la Brasserie Lipp, boulevard St-Germain par deux policiers de la Brigade mondaine, messieurs Souchon et Voitot, et conduit vers une voiture où se trouvaient Antoine Lopez, inspecteur principal d'Air France et correspondant des services secrets français (le Sdece) et Julien Le Ny, truand notoire. Il fut emmené en région parisienne dans la villa d'un autre truand, Georges Boucheseiche, à Fontenay-le-Vicomte. D'autres truands avaient participé à cet enlèvement maquillé en opération de police: Georges Figon, Jean Palisse et Pierre Dubail. La trace de Mehdi Benbarka se perdait, ensuite, dans la villa d'Ormoy appartenant à Antoine Lopez. Depuis, il n'a pas réapparu (...). René Midhat Bourequat, entendu comme témoin le 14 décembre 2005, a relaté que, durant sa détention au PF3, il y avait aperçu trois des truands (Dubail, le Ny et Boucheseiche qui par la suite seront inhumés au PF3) et que Dubail avait raconté, à son frère Ali, l'implication dans l'enlèvement et la mort de Mehdi Benbarka de Mrs Oufkir, Dlimi, El Hassouni et du surnommé Chtouki. Selon Dubail, après le décès, la tête aurait été détachée du corps et ramenée à Rabat pour être présentée au roi Hassan II avant d'être enterrée au PF3. Le juge parisien avait envoyé deux commissions rogatoires à la justice marocaine. La dernière remonte au 26 septembre dernier. Pour montrer sa détermination à aller jusqu'au bout de l'enquête, le magistrat français a adressé directement les convocations à ces cinq «témoins», sans passer par son vis-à-vis marocain, le juge Djamel Serhane qui, lors de la première commission rogatoire, en novembre 2005, avait indiqué qu'il ne connaissait pas l'adresse des personnes concernées par ce dossier noir. Un bras de fer entre les autorités judiciaires marocaines et le magistrat français attendu par les observateurs depuis novembre 2004, date de la levée du secret défense par la ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie. Le crime perpétré à Paris reste un tabou pour les Etats français et marocain, dont les services secrets ont de tout temps été soupçonnés de complicité dans le macabre geste. La forte amitié qui liait Hassan II et François Mitterrand a étouffé toute velléité de sortir le dossier de l'ombre. Bachir Benbarka, le fils du leader marocain disparu, pense qu'«il est impossible de ne pas avoir d'espoir» de connaître la vérité. L'histoire a fini par rattraper les assassins. Quarante ans après, la mémoire collective est toujours imprégnée de l'affaire Benbarka, car celle-ci est un concentré du système Hassan II. Connaître la vérité, c'est démonter les années de plomb. Et connaître la vérité est la seule issue.