L'autorisation accordée à la Banque extérieure d'Algérie d'opérer en France est perçue par de nombreux observateurs comme un petit rayon de soleil dans un ciel assombri par la crise algéro-française. Des acteurs économiques, sociaux et diplomatiques qui refusent la surenchère quasi guerrière alimentée par l'extrême droite y voient une réalité différente de celle que voudrait véhiculer Bruno Retailleau. En se félicitant, dans un communiqué rendu public récemment, «de l'agrément en tant qu'établissement de crédit au bénéfice de la Banque extérieure d'Algérie (BEA)», l'ambassade de France en Algérie apporte la preuve, s'il en fallait, de rapports intergouvernementaux encore sains, contrairement aux allusions contenues dans les propos incendiaires des tenants de l'extrême droite française. Ceux-là poussent à la rupture entre les deux Etats. L'enthousiasme que pourrait susciter cet agrément donné à la BEA est légitime et contredit, de fait, les menaces d'arrêter les transferts d'argent de la diaspora algérienne vers son pays d'origine. Cela montre que le discours incendiaire des figures de proue du Rassemblement national et de Reconquête ne trouve absolument pas écho dans les sphères de la décision économique et financière. La précision de l'ambassade de France met cet état de fait en évidence, puisqu'il est souligné dans le communiqué que «cet agrément a été octroyé après que l'autorité française de contrôle prudentiel et de résolution s'est prononcée favorablement le 24 octobre 2024 en tant qu'autorité de supervision compétente en France». Retenons donc que le dossier de la BEA a satisfait à tous les contrôles en vigueur et, plus encore, qu'il a été transmis «à la BCE, qui l'a officiellement approuvé le 16 janvier 2025», poursuit le communiqué de l'ambassade de France. «Fort de cet agrément, la BEA dispose désormais d'une licence bancaire pour opérer comme banque de détail en France et en Europe», apprend-on. Cela compliquera considérablement les manoeuvres de l'extrême droite, quelle que soit sa position dans la pyramide du pouvoir en France. Zemmour et ses amis auront beaucoup de mal à défaire un dossier qui a reçu le quitus de l'Union européenne. Mieux encore, le feu vert donné à la BEA traduit la détermination de la France utile à édifier, avec l'Algérie, des relations économiques et financières solides et pérennes. Cette volonté exprimée des deux côtés de la Méditerranée se traduit sur le terrain des chiffres économiques par un flux d'échanges qui est demeuré stable, ces deux dernières années, malgré les sorties hasardeuses et souvent belliqueuses des personnalités de l'extrême droite française. La représentation diplomatique française en Algérie ne se contente pas de se féliciter de l'avancée constatée sur le terrain des rapports économiques. Elle se met «à la disposition de la BEA pour la soutenir dans sa stratégie d'ouvrir cinq agences dans les principales villes de France», note le même communiqué. Aussi courageuse que puisse être cette déclaration, elle reflète certainement la volonté des plus hautes autorités françaises. Cela est indéniable. La même source précise que «compte tenu de l'importance de ce marché (français) pour la banque, la BEA pourra prochainement offrir directement des services bancaires complémentaires entre l'Algérie et la France (mais aussi l'Europe) à partir de sa succursale française». Cette large compétence territoriale accordée à la BEA dans ses activités sur le Vieux Continent suppose que cette première banque algérienne a toutes les chances d'être promue parmi les acteurs financiers en France et dans l'Union européenne. Il faut dire que cette perspective n'est pas pour déplaire aux partenaires européens, puisqu'ils sont déjà nombreux à avoir d'importants investissements en Algérie, à l'image de l'Italie, notamment. Au vu de la dimension que prend notre pays dans l'équation économique euro-méditerranéenne, l'hystérie anti-algérienne qu'alimente l'extrême droite n'a aucune influence sur le marché des partenariats. Le Pen et consorts sont effectivement nuisibles dans le débat franco-français, mais à un niveau plus élevé, celui des Etats, la résistance est forte. La réaction de l'ambassade de France à un agrément accordé à une banque algérienne dans l'Hexagone en est la preuve. Tout ministre qu'il est, Retailleau n'y pourra rien.