L'an dernier, les commandes du ministère algérien de la Défense auprès des industriels français de l'armement ont quasiment triplé par rapport à 2004. En pleine turbulence politico-sécuritaire, c'était la France qui permettait à l'Algérie l'acquisition d'armement pour faire face à la violence. Les Etats-Unis interdisaient d'aborder la question. De 1996 à 2005, l'Algérie a acquis des armes françaises pour un montant de 100,8 millions d'euros. Face à l'embargo des Américains, Paris affichait une attitude plus souple en permettant l'achat par Alger d'«armement limité», qui n'était pas d'ailleurs pour satisfaire la demande des chefs militaires, mais permettait de contourner l'embargo international. Les hélicoptères Ecureuil, non dotés de mitrailleuses, avaient fait longtemps grincer des dents les patrons de l'ANP qui se plaisaient à dire que ces nouvelles acquisitions «étaient bonnes au transport des VIP». La vente étant soumise à une autorisation d'exportation d'armes de guerre (Eamg). En 2005 on pouvait évaluer le montant des acquisitions algériennes à 7,3 millions d'euros. Invité de la ministre française de la Défense, Mme Michèle Alliot- Marie ainsi que du chef d'état-major des armées françaises, le général Henri Bentegeat, le chef d'état-major de l'Armée nationale (ANP), le général-major Ahmed-Gaïd Salah, s´est rendu, en mai 2006, sur le site de Giat, un groupe spécialisé dans l'industrie de l'armement, situé en région parisienne. L'activité de ce groupe industriel, dans ses différents domaines de production, a été présentée au général-major Ahmed-Gaïd Salah. Le chef d'état-major de l'ANP avait, auparavant, visité la Direction centrale du matériel de l'armée de terre française (Dcmat) où il s'est enquis de son activité. Le commerce militaire algéro-français semble s'orienter durablement vers la hausse. Amorcée à partir de 1996, puis relancée à partir de 2001, au cours de la normalisation diplomatique entre les deux pays, cette tendance se confirme à la mesure des exercices budgétaires, poussée en cela par les plans de modernisation de l'armée algérienne et le souci de diversification de ses fournisseurs, au-delà du traditionnel partenaire russe. En 2005, les commandes du ministère algérien de la Défense auprès des industriels français de l'armement ont quasiment triplé par rapport à 2004, dépassant la barre des 45 millions d'euros, un niveau jamais atteint de par le passé, selon des indications officielles. Les livraisons effectives se sont chiffrées à 7,25 millions d'euros contre 12,6 millions en 2004. Les prises de commandes ont été faites au profit, principalement, de l'armée de l'air avec 44,7 millions d'euros, et pour l'armée de terre avec un montant évalué à 400.000 euros. Les forces aériennes ont acheté pour 2,8 millions d'euros en aéronefs. Leur nature n'a pas été précisée, mais il s'agit surtout d'hélicoptères. Le plus gros montant - 3,2 millions d'euros - a été consacré à l'acquisition d'équipements de transmissions et de contre-mesures, alors que 1,3 million a servi à l'achat de matériel destiné à l'entraînement et aux simulateurs de vol. Le meilleur indicateur a été enregistré en 1996 avec des acquisitions effectives de l'ordre de 20,8 millions d'euros. On explique cette hausse par le pic de violence qui marquait le pays à cette époque. Suivent dans l'ordre l'année 2001 avec un montant de 17,9 millions, 2000 (15,7 millions), 2004 (12,6), 2003 (11,6), 2005 (7,3), 1997 (6,8), 2002 (5,5), 1998 (2 millions) et 1997 (0,9 million). Pourtant, cette embellie dans le commerce de l'armement entre Alger et Paris intervient dans un contexte où la France enregistre de mauvais résultats. Un rapport du ministère de l'Intérieur, destiné au Parlement et rendu public il y a quelques jours, indique que les exportations d'armes françaises ont diminué de 50% en 2005. Le total sonnant et trébuchant des livraisons à l'étranger s'est élevé, l'année dernière, à 3,81 milliards d'euros, contre 7,13 milliards d'euros en 2004. Jean-François Bureau, le porte-parole du ministère de la Défense, a cherché à nuancer cette dégringolade: «Il ne faut pas accorder trop d'importance aux variations cycliques sur les livraisons, tout dépend de la durée des commandes. (...) Si vous avez des programmes dont la réalisation se fait dans l'année ou sur cinq ans, vous avez évidemment des effets de distorsion dans les livraisons qui sont inévitables». En effet, le montant des commandes passées en 2005 mais encore en attente de livraison a augmenté par rapport à l'année précédente, passant de 3,38 milliards à 4,11 milliards d'euros. De plus, la comparaison avec les exportations de 2004 allait forcément être peu flatteuse: il s'était agi d'une année particulièrement faste, où une hausse de 60% avait été enregistrée par rapport à 2003. En 2004, une frégate avait été livrée à l'Arabie Saoudite, ce qui a impliqué, selon le ministère, «un fort montant»; en 2005, «il n'y a pas eu de livraison d'un très gros équipement», souligne-t-on du côté de la défense. Les équipements français qui, bon an mal an, on le plus la cote, sont les avions de combat Mirage et les missiles Crotale, Mistral et Roland. Selon le rapport, ce commerce évolue depuis dix ans, au niveau international, dans une fourchette de 45 à 55 milliards d'euros par an. Et au final, la France se maintient au troisième rang mondial des exportateurs d'armes grâce à ses 8% de parts de marché, derrière les Etats-Unis (60%) et la Grande-Bretagne (12%). Les principaux clients de l'Hexagone ont été, ces dernières années, l'Inde, l'Arabie Saoudite, l'Australie, les Etats-Unis, l'Afrique du Sud, la Corée du Sud, la Grèce, la Turquie et le Brésil. Client traditionnel de la Russie, l'Algérie ne vient qu'après ce lot de pays.