Connu pour son franc-parler, Bouteflika ne se gênera pas pour secouer le cocotier des walis. Dans les starting-blocks de la vie politique algérienne, une rencontre prochaine entre le président et les walis. Elle sera le signe que le président a repris son activité normale à la tête de l'Etat et des institutions, lui qui a affirmé à un journaliste français qu'il avait été très malade, et qu'il s'en était remis d'une manière fabuleuse. L'heure est donc venue, pour lui, de joindre l'acte à la parole en demandant des comptes aux walis sur leur gestion des deniers publics. M.Bouteflika présidera, donc, une réunion avec les walis, probablement ce samedi. La rencontre, prévue de longue date, a été reportée à maintes reprises, sans explication. Le chef de l'Etat en profitera sûrement pour s'adresser à la nation, tant il est vrai que la tribune s'y prête. Représentant de l'exécutif au niveau de sa circonscription, le wali est le responsable le plus proche des préoccupations de la population, celui qui gère au quotidien les problèmes des citoyens: l'éducation, le transport, la santé, la voirie, le logement, le commerce, la protection de l'environnement, l'approvisionnement des populations en denrées de toute nature, mais aussi le recouvrement des taxes et la sécurité des biens et des personnes. La wilaya est au carrefour de tout ce qui fait la vie des gens au jour le jour. Le wali est, par ailleurs, le trait d'union entre le pouvoir central et les Assemblées populaires communales: alors quand se pose un problème de route, de distribution d'eau potable ou de répartition des logements sociaux, c'est forcément lui qui est aux premières lignes. Ces derniers temps, des walis se sont surtout fait signaler par des problèmes de corruption, puisqu'ils profitent des privilèges que leur confère leur poste pour se livrer au trafic dans le foncier. En outre, on sait tous que le président a son franc-parler, et si, à certaines occasions, son discours reste de circonstance et n'aborde pas les problèmes de fond, avec les walis et certains autres cadres de la nation, il se laisse aller à des confidences et n'hésite pas à dire le fond de sa pensée. Avec les magistrats par exemple, il a évoqué les problèmes de corruption en des termes crus. Tout comme lors de ses sorties sur le terrain, il a eu à faire des remontrances aux membres du gouvernement, à qui il avait lancé: «Vous m'avez menti en Conseil des ministres.» Ce genre de rencontres font l'événement et permettent au président de prendre le pouls de la réalité sur le terrain, mais aussi de s'adresser à l'opinion, puisque ses propos sont rapportés aussi bien par la télévision et la radio que par la presse écrite. C'est donc sans surprise que les journalistes guetteront ses petites phrases et ses déclarations. Il y aura toujours du grain à moudre. On reproche souvent au pouvoir, de façon générale, son déficit en communication, mais c'est un fait que si les responsables font dans la rétention de l'information, privant le citoyen de l'un de ses droit fondamentaux garantis par la Constitution, les vérités crues assénées par le chef de l'Etat peuvent contribuer à lever bien des lièvres. Depuis quelques années, des affaires de corruption sont mises sur la voie publique, on peut dire: «Tant mieux!» car, il fut un temps où ces affaires étaient étouffées, mais les citoyens voudraient en savoir plus, et surtout exigent que les enquêtes aboutissent à l'interpellation et à la mise en examen des coupables.