«Je considère que toutes les contradictions qui se trouvent dans la société se croisent dans le couple», nous a confié l'auteur du monologue, Mourad Senouci. C'est un spectacle qui s'est déroulé à guichet fermé que le public est venu nombreux applaudir, jeudi, à la salle Ibn Zeydoun de Riadh El Feth, non sans passer une agréable soirée ponctuée de rires et de commentaires spontanés, lancés ici et là, soit par un homme médusé ou par une femme carrément excédée par les propos machistes de ce comédien qui a aussi signé la mise en scène de ce monologue. En effet, c'est avec succès que Samir Bouanani a passé le cap de cette première soirée, prélude à deux autres dates, les 14 et 15 décembre prochains à la salle l'Algéria où il se produira de nouveau. C'est un personnage à la fois attachant et détestable qui aura la faveur d'un public qui a eu à se reconnaître forcément dans ce vaudeville à une seule voix où le narrateur s'attachera à reproduire sur scène, le quotidien qu'il partage avec sa femme, 35 ans, intelligente, belle, ingénieur en informatique et aux petits soins avec son mari, ce dernier ne connaissant d'intelligence que le tintement de l'argent et n'a concédé à se marier qu'à la quarantaine passée et ce, sous la pression de ses proches. Une vie conjugale des plus banales, si ce n'est que notre homme se sent privé de sa liberté individuelle, même, pire, enchaîné à sa femme, étouffé par cette vie de couple rythmée désormais à deux et conjuguée au pluriel. C'est à coups de «Vive les hommes, vive la liberté!» que s'ouvre ce monologue débité par Samir Bouanani qui a tenu en haleine l'assistance, où il s'évertuera, durant 65 minutes, à démonter le mécanisme qui l'a conduit à ce mariage, en se rappelant aussi, ses vieilles conquête féminines qu'il invitait à manger dans une pizzeria, ces moments où il jouissait entièrement de sa liberté..«Elle m'a rendu fou!» dit-il à propos de sa femme, «elle est partie il y a à peine 2 minutes et déjà elle n'arrête pas de m'appeler plus de 20 fois au téléphone. Ce mariage-là, c'est la prison sans grâce, même ma mère qui refusait ce mariage, arguant l'âge avancé de ´´madame´´, elle a fini par l'ensorceler et gagner ses faveurs; la femme est un vrai problème!..» Une réflexion comme toutes ces autres, des plus assassines, ne manquera pas de provoquer l'ire dans la salle, cris de mécontentement d'un côté et applaudissements d'un autre.. Alors, quand sa femme est partie à l'étranger pour se soigner dans le but d'avoir des enfants, on imagine la jubilation de ce bonhomme qui se retrouve enfin face à face avec sa propre personne, cette personne qui lui manquait tant. Mais c'est ce même homme qui, dès que la vaisselle commence à s'entasser dans l'évier de la cuisine qu'il commence à avoir quelques remords et à se dire: «Ah! si ma femme était là..» Encore une réflexion qui démontre bien, finalement, que sans la femme l'homme n'est rien...Ce dernier raconte aussi, au faîte de son égoïsme débordant, comment il assujettit son épouse, la rendant presque sa boniche, un tableau pathétique, qui, hélas, existe bel et bien dans notre société. Le salut de cet homme macho viendra à la fin de ce spectacle, quand son épouse lui annonce au téléphone qu'elle est enceinte. D'abord déçu que celle-ci écourte son séjour, il deviendra tout miel par la suite, et lui conseille de faire attention, de ne pas porter des choses lourdes et de se reposer, avec des trémolos dans la gorge...Un mea culpa salvateur qui lui redonnera auprès du public un trait plus humain et lui vaudra donc sa sympathie. «Je considère que toutes les contradictions qui se trouvent dans la société se croisent dans le couple. Pas besoin d'aller chercher un thème central. Chez nous, une femme même pourvue d'un doctorat, si elle n'est pas mariée, sa vie est considérée comme un échec, a contrario d'une femme mariée, au foyer. Cela reflète une mentalité, une culture. C'est en additionnant ces choses, qu'on comprend la société, par le détail des comportements des gens dans leur vie intime», nous explique Mourad Senouci, directeur de la compagnie Hamou-Boutlélis, l'auteur de ce monologue. Et d'ajouter: «C'est un devoir de parler d'amour. C'est un cas que l'on trouve partout. L'amour a rendu cet homme fragile. C'est en inversant les rôles, avec humour tout en parlant de choses sérieuses, qu'on peut toucher au coeur du problème. C'est le défi que je me suis assigné». 16ème présentation en trois mois, Metzaouedj Fi Otla a déjà été joué trois fois à Alger, deux fois à Batna, aussi à Sid Bel Abbès, Chlef, Mostaganem, cinq fois à Constantine, avec toujours un franc succès à la clé. «Je considère que le monologue est un bon exercice pour mon style d'écriture. J'ai mis 20 ans avant de me lancer dans l'aventure du monologue par respect du genre» nous a confié, en aparté, Mourad Senouci. Ce dernier a entamé sa carrière théâtrale en 1985 avec une pièce qui lui valu le 1er prix au Festival de Mostaganem. Il a aussi signé plusieurs pièces pour enfants, des adaptations de Tewfik El Hakim, Marivaux (les Jeux de l'amour et du hasard etc.) Malgré quelques lourdeurs, ce monologue, Metzaouedj Fi Otla cuvée 2006, a bien été porté grâce à un sujet «populaire» servi par un comédien qui sut servir la réflexion au moyen d'une mise en scène originale parfois exacerbée, un accent oranais plaisant, un côté particulièrement festif à coups de chansons de Chikha Rimiti et Reda Taliani,pour marquer le souvenir de la fête du mariage.. et surtout des propos drôles, souvent acerbes sur la vie conjugale. Chose qui n'a pu laisser l'assistance indifférente. Populaire, elle aussi, l'émission de divertissement, Saraha Raha, était aussi de la fête en joignant son équipe technique à cette manifestation, enregistrée pour vous, que vous retrouverez sans doute dans un de ses prochains épisodes...