«il faut transcender la mouvance de l'oeil nu, aller au fond des terroirs...» Cette recommandation générale de Madame Aouf Moukhalifa au sujet des traditions vestimentaires me semble juste, car elle rappelle qu'il en est ainsi de toute autre tradition qui ambitionne d'être le grand guide de la vie humaine. Son album Le costume traditionnel algérien se veut éloquent en cette matière. Effectivement, la richesse de la tradition vestimentaire d'un pays est aussi importante, sinon parfois bien plus, que l'expression orale ou même écrite pour caractériser une société -toute une nation - à une époque donnée de son histoire. Tout comme une langue vernaculaire, le costume traditionnel est la représentation pratique et significative des temps forts de la vie, -tant il est vrai que l'on ne vit pas nu, on vit habillé! Il y a donc un vêtement masculin et féminin pour chaque activité: la tenue de travail, le costume de ville, l'habit de fête, de cérémonie, etc. Le vêtement est alors au sens large un art traditionnel à l'originalité multiple du fait que les populations des régions du pays tout entier participent, peu ou prou, directement ou indirectement, à la continuité et à l'évolution de cet art qui est, de fait, leur cadre de vie. Madame Aouf Moukhalifa, dont nous ne disposons d'aucun élément biographique pour la présenter à nos lecteurs, estime, à juste raison, s'adressant à l'étranger, que «rien, absolument rien ne doit être omis pour percer les grimoires d'une civilisation, son esprit, ses sens, son éthique, son esthétique. Pour accepter ´´l'Autre´´, vivre avec lui dans sa diversité, «proximiser» ses affinités, il suffit de le connaître, et on ne peut y prétendre, si on ignore le substrat et la quintessence de son existence, à savoir sa culture, son alphabet sensoriel, son rituel, son répertoire, voire ses habitudes vestimentaires, ne dit-on pas: «dis-moi ce que tu mets, je te dirai qui tu es...» Par ailleurs, vouloir connaître l'Algérie dans toute sa profondeur kaléidoscopique, c'est avant tout apprécier ses costumes traditionnels simples et compliqués à la fois, véritable bas-relief de richesses qu'ont su créer dans les plis des divers tissus et étoffes nos aïeux les plus lointains. Des costumes qui témoignent des multiples civilisations qui ont traversé le limon nourricier de cette terre farouche, mais hospitalière, généreuse et féconde. Effectivement. Les costumes traditionnels de l'Afrique du Nord en général, et de l'Algérie en particulier, ont été de tout temps, ces signes du patrimoine si exhibés, mais si peu connus. Certes, en son temps, Georges Marçais a publié une magnifique étude intitulée Le Costume musulman d'Alger, mais, en 1930, il s'est, a-t-il écrit, «borné à cette cité des corsaires, agrandie et retaillée, au cours du siècle qui s'achève, pour l'aménagement d'une grande ville européenne.» Par contre, Madame Aouf s'est attachée à nous présenter dans le détail, et avec beaucoup de soin, les caractéristiques des costumes traditionnels masculins et féminins algériens en précisant, d'une part, les costumes civils et militaires et, d'autre part, les spécificités du costume féminin par grandes régions: Oranie, Algérois, Kabylie, Aurès, Constantinois, M'zab, Sud saharien,...Sont également cités et décrits les accessoires et les ornements indispensables accompagnant ces costumes: coiffe, coiffure, maquillage, éléments de toilette, bijoux, chaussures, armes d'agrément, etc. Certaines descriptions de costume et accessoires portent sur les périodes avant et après 1930, d'autres après 1962. De nombreuses illustrations expliquent et agrémentent un propos clair s'appuyant sur le produit d'une recherche sérieuse et approfondie, surtout sur des planches dessinées et peintes par l'auteur et des reproductions photographiques d'époque dont les sources ne sont pas malheureusement toutes indiquées pour confirmer leur datation à travers la longue histoire du costume traditionnel algérien. Enfin, le façonnage du livre (26,5 x 24,5) avec jaquette, mérite des compliments.