Profitant de son passage, avant-hier, à la Radio nationale, à l'occasion de la célébration du Nouvel an amazigh, Yennayer, Lounis Aït Menguellet a accepté de nous accorder l'entretien qui suit et dans lequel il revient sur ses projets ainsi que d'autres questions relatives à la situation de la chanson d'expression kabyle. L'Expression: Vous êtes à la radio pour célébrer Yennayer... Lounis Aït Menguellet: Oui, à l'instar de tous les Algériens. Chacun le fête à sa manière et selon ses traditions. Nous, en tant qu'artistes, avons choisi de le faire à notre façon, c'est-à-dire avec la chanson. C'est demain (vendredi, Ndlr) le lancement officiel de «Alger, capitale de la culture arabe», un mot sur cet événement. Aujourd'hui, je suis ici pour fêter Yennayer et je n'ai pas envie de parler d'autre chose. Vous a-t-on sollicité pour y prendre part? Non, personne ne m'a fait appel. Puisque vous ne prendrez pas part à cette manifestation, quels sont donc vos projets pour cette nouvelle année? Je vais fêter mes 40 ans de carrière. J'ai commencé en 1967 et nous sommes en 2007. Je prépare une tournée nationale qui sera organisée par l'Office national de la culture et de l'information (Onci). Et certaines personnes relient ça directement avec «Alger, capitale de la culture arabe». Je leur réponds que ce n'est qu'une coïncidence. C'est le hasard du calendrier qui fait que je célèbre mes quarante ans de carrière au moment où l'Algérie accueille cet événement. Et quand comptez-vous lancer cette tournée? Franchement, pour le moment je n'en sais rien. Nous n'avons pas encore fixé de date ni de lieu où nous allons nous produire. L'année vient tout juste de commencer. Je crois qu'il est trop tôt de parler du programme mais on le saura tout de même d'ici quelque temps. Le chanteur chaâbi Nacerredine Galiz, a émis le voeu de reprendre quelques-unes de vos chansons, ce à quoi vous avez répondu par la négative dans les colonnes mêmes de L'Expression. Je tiens tout d' abord à remercier votre journal qui m'a offert une tribune pour m'exprimer à ce sujet. Maintenant, s'agissant du projet de Galiz, je dis, encore une fois, que je suis contre le principe même de reprendre une chanson pour le plaisir de la reprendre. Je ne comprends pas à quoi servira un projet pareil. Personnellement, je suis en train de lutter contre ce phénomène dont souffre la chanson algérienne, en générale, et kabyle en particulier. A quoi bon reprendre une chanson qui, de surcroît, ne nous appartient pas? Je le dis et le redis: c'est de l'exploitation pure et simple. Si, par contre, Nacerredine Galiz, ou quelqu'un d'autre, veut chanter mes chansons en arabe, je ne trouve aucun inconvénient. Je l'encourage, du moment que ça apporte quelque chose de nouveau, et je suis disponible à l'aider en l'orientant vers des traducteurs qui sont capables de traduire mes chansons vers cette langue. Justement, la chanson kabyle tombe actuellement dans le phénomène de la reprise. Quel est votre avis sur ce sujet? Je ne cesserai jamais de le dire: la reprise bloque, voire tue la création. La reprise est l'ennemi de la création. Car, en recourant à des procédé pareils, on verse dans la facilité et on risque de porter un coup fatal à la chanson kabyle. Certaines personnes, notamment celles qui reprennent des oeuvres qui ne leur appartiennent pas, croient que c'est facile de devenir artiste. La réalité est tout autre. Il faut se méfier de ces illusions qui, à la longue, deviennent d'autant plus dangereuses que leurs adeptes tombent de plus en plus dans le ridicule. Pour elles, il suffit de piquer une chanson par-ci et une chanson par-là et on devient artiste, ce qui est faux et contesté par tous. Alors, les jeunes qui veulent chanter et qui peuvent bien interpréter des chansons doivent contacter les compositeurs et auteurs capables de leur donner un travail complet et digne de ce nom. C'est ainsi qu'on forme sa crédibilité. Et, deux pierres, deux coups: d'un côté, ils réaliseront leur rêve et deviennent chanteurs et de l'autre, ils apporteront quelque chose pour la culture et la chanson en général. Ça enrichit le patrimoine. Vous êtes donc pessimiste quant à l'avenir de la chanson kabyle? Si ça persiste, je suis vraiment pessimiste. Le phénomène est d'autant plus sérieux que j'ai sincèrement peur pour la chanson kabyle. Je tiens, à cette occasion, à lancer un appel à tous les chanteurs et artistes de veiller jalousement sur leurs oeuvres. C'est de cette façon qu'on réussira à mettre les bâtons dans les roues des opportunistes. Ceux qui versent dans la simplicité. Un mot sur la nouvelle génération de chanteurs... Je crois que la nouvelle génération doit fournir un peu plus d'effort. Ceci dit, mis à part le phénomène que je viens de citer, je dois souligner qu'il y a énormément de jeunes talents à encourager et qui apportent de très belles choses qui sont bien faites. Le paysage artistique n'est pas désastreux, mais il risque de le devenir si la médiocrité persiste. Un nouvel album? Non, pas de nouvel album. Pour cette année, je dois me consacrer à la tournée nationale.