La justice française est très laxiste et l'affaire n'avance pas suffisamment. L'intervention, jeudi, au forum radiophonique de la Chaîne II, de Djilali Hadjadj, président de l'Association de lutte contre la corruption (Aacc), une section de Transparency International, a été essentiellement axée sur le procès de Khalifa. «Nous aurions été favorables à ce que le gouvernement prenne à l'égard des personnes inculpées, cadres, fonctionnaires et dirigeants, des mesures conservatoires afin que le procès se déroule dans de meilleures conditions», lance M.Hadjadj. C'est ainsi qu'il déclare que le gouvernement devrait exiger de ces personnes de démissionner de leurs postes. «Toutes les personnes inculpées auraient dû être démises de leurs fonctions. C'est grave qu'elles soient inculpées dans cette affaire tout en exerçant leurs fonctions», considère-t-il. Le porte-parole de l'Aacc estime, dans ce sens, que la présence de plusieurs personnalités à ce procès est conforme à la loi. «C'est un tabou brisé», commente M.Hadjadj. Tout en s'interrogeant sur l'absence de certains témoins, il estime qu'il faut laisser la justice faire son travail. Pour lui, le procès de Khalifa traduit effectivement une volonté politique de la part des pouvoirs publics à prendre le taureau par les cornes. Concernant le retard pris dans le traitement de cette affaire par la justice, M.Hadjadj affirme que cette affaire est tellement lourde que «nous considérons que la justice doit prendre tout le temps nécessaire, deux ou trois années d'instruction judiciaire». Il ajoute qu'aujourd'hui, les magistrats qui mènent cette affaire en ont certainement une grande maîtrise «et je crois que le procès va se terminer dans de bonnes conditions». En outre, le conférencier a évoqué l'enquête menée en France sur la déconfiture de la chaîne de télévision Khalifa TV qui connaît, selon lui, de sérieuses difficultés. «La justice française est très laxiste et l'affaire n'avance pas suffisamment», regrette Hadjadj. Il parle ainsi de «blocage» et de «dimension algéro-francaise» dans cette affaire. Il révèle exclusivement que «des personnalités politiques françaises, issues du parti au pouvoir sont derrière ce blocage. Il existe des intérêts en jeu». Autrement, enchaîne-t-il, comment expliquer que Khalifa TV diffusait ses programmes sans obtenir l'autorisation d'émettre du Conseil supérieur de l'audiovisuel français? Sur l'extradition de Abdelmoumen Khalifa, le conférencier indique que «nous avons des éléments que la Grande-Bretagne n'a pas une volonté politique de coopérer pour l'opération de son extradition». Il souligne que la Grande-Bretagne est un «mauvais élève» en matière de lutte contre la corruption. Pour étayer ses propos, il souligne que l'Angleterre n'a pas pris toutes ces dispositions pour mettre en application la convention spécifique aux affaires de lutte contre la corruption internationale. Concernant le traité d'extradition ratifié par l'Algérie, en juillet dernier, le gouvernement britannique reste «très frileux» quant à sa ratification. «La Grande-Bretagne pourrait mettre du temps pour le ratifier». L'article 44 de la convention des Nations unies contre la corruption pose problème aux Britanniques, précise M.Hadjadj. Pourtant, relève-t-il, cet article ouvre une brèche pour faciliter l'extradition. Il stipule que «si un Etat partie qui subordonne l'extradition à l'existence d'un traité reçoit une demande d'extradition d'un Etat partie avec lequel il n'a pas conclu pareil traité, il peut considérer la présente convention comme la base légale de l'extradition pour les infractions auxquelles le présent article s'applique». Autrement dit, même si deux pays n'ont pas signé le traité d'extradition, ils peuvent procéder à des extraditions pour peu qu'il soit ratifié, précise M.Hadjadj. La Grande-Bretagne, note-t-il, met en avant plusieurs critères, notamment le respect des droits de la personne extradée, l'existence de la peine de mort et l'indépendance de la justice. Par ailleurs, et concernant la lutte contre le phénomène de la corruption en Algérie, l'Aacc souligne qu'il n'y a pas une volonté politique effective dans ce sens sur le terrain malgré la multiplication d'affaires de corruption révélées ces dernières années. «Le procès de Khalifa n'est pas l'arbre qui doit cacher la forêt. Beaucoup reste à faire et la dynamique nationale reste encore à créer avec l'ensemble des partenaires», dit-il. Plusieurs points «négatifs» ont été cités par le conférencier relatifs, notamment à la déclaration du patrimoine. «Le ministère de la Justice l'avait lui-même avancé: plus de 80% de ceux qui devaient déclarer leur patrimoine ne l'ont pas fait». Aussi, la loi sur la lutte contre la corruption du 20 février 2006 est, de l'avis de M.Hadjadj, en retrait de la réalité. «L'article relatif à la protection du dénonciateur ne contient rien. Une manière de décourager la société civile à dénoncer la corruption», selon lui. Ce sont, dit-il, autant d'indices qui démontrent le manque de volonté politique de lutter activement contre la corruption. C'est ainsi qu'il interpelle le gouvernement à revoir cette loi. «La corruption touche toutes les institutions de l'Etat». Il rappelle le chiffre de 1500 élus impliqués dans des affaires de corruption avancé par le ministère de l'Intérieur. Souhaitons que ces derniers ne soient pas autorisés à se présenter, de nouveau, aux législatives de 2007. Enfin, M.Hadjadj interpelle le gouvernement à mettre en place un plan de redressement de la Cour des comptes qui n'a élaboré que deux rapports en 26 ans d'existence.