Dans la rivalité entre l'UMP et le Parti socialiste, c'est la droite qui semble faire mieux pour la promotion de l'émigration. Après avoir dégusté un café avec des étudiants à Alger, le président de l'Assemblée nationale française, Jean- Louis Debré, vient de nommer le présentateur de France2, Rachid Arhab au Conseil supérieur de l'audiovisuel. Le lien entre les deux faits? Les étudiants d'Alger se plaignaient au président du Parlement français du cryptage du bouquet TPS. A défaut d'obtenir des visas pour aller chercher du travail en France, ces étudiants, futurs chômeurs diplômés, veulent au moins rêver gratuit en se payant à l'oeil une évasion sur TPS. Le nouveau membre du CSA qu'est Rachid Arhab pourra-t-il faire quelque chose pour rendre TPS aux Algériens, voire aux Maghrébins? Au moment même, à Hollywood, le film Indigènes, nominé pour l'Oscar du meilleur film étranger, est sans doute en voie d'être consacré. Indigène, quel mot terrible! Après avoir été un terme péjoratif, Indigène est en passe de devenir un oscar, un chef-d'oeuvre cinématographique. Un peu à la manière dont Coluche détournait le mot «enfoiré» pour en faire, non plus une insulte, mais une invite à l'amitié partagée dans des restos du coeur, un cri de ralliement; et tel terme qui fut une insulte devient une gratification. Oui, les mots voyagent à travers le temps, en changeant de sens, voire parfois en disant tout le contraire que leur sens d'origine. La même chose peut être dite à propos de discrimination, -qui fut longtemps une action d'isolement négative, voire humiliante,- ce mot est désormais brandi par Nicolas Sarkozy, qui le transforme en action positive pour promouvoir les minorités ethniques longtemps éloignées de certains postes ou certains emplois publics, auxquels leur nom ou leur faciès ne les prédisposaient, malgré leur compétence. C'est ainsi que Aïssa Dermouche a été nommé par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, préfet issu de l'émigration, du département du Jura, par un décret adopté en conseil des ministres. Une belle promotion pour ce directeur d'Audiencia (ex-école supérieure de Nantes), qui a fait ses études secondaires à Alger avant de gagner Paris à l'âge de 18 ans. Mais il n'y a pas que Rachid Arhab et Aïssa Dermouche, dans le staff de campagne de Nicolas Sarkozy, on retrouve également Rachida Dati, de père marocain et de mère algérienne, qui devient la porte-parole du candidat Sarkozy. Il y a là à n'en pas douter, une rivalité entre la gauche et la droite en France. On doit au Parti socialiste, à la suite de l'élection de François Mitterrand à l'Elysée, la création puis l'instrumentalisation de SOS racisme. Mais aucun beur ou émigré de deuxième ou troisième génération ne fut nommé aux postes de commande. Il fallut attendre la réélection de Chirac, en 2002, pour voir la nomination dans le gouvernement Raffarin d'une ministre d'origine algérienne, en l'occurrence Madame Tokia Saïfi. Née à Haumont (Nord), Mme Saïfi est la fille d'un ouvrier sidérurgiste algérien arrivé en France en 1945, elle est connue comme l'organisatrice d'activités en faveur de la cohésion dans les banlieues par le dialogue, la reconnaissance et la participation des jeunes aux responsabilités publiques et privées, et qui fut nommée, le 7 mai 2002, au poste de secrétaire d'Etat auprès de la ministre de l'Ecologie et du Développement durable, chargée du développement durable, également députée européenne. Par la suite, ce fut Azzouz Begag qui rallia le gouvernement de Dominique Villepin. Il est loisible de voir que la droite en l'occurrence va beaucoup plus loin que la gauche socialiste, qui a longtemps louvoyé en cherchant à utiliser les émigrés d'origine maghrébine ou black comme de simple faire-valoir. Certes, Sarkozy a eu des mots très malheureux, comme celui de racaille et de nettoyage au Karcher, mais quelque part sa politique d'intégration est susceptible de porter ses fruits. Quant à Chirac, l'homme de droite qui mène une politique de gauche, il a su apprécier à sa juste valeur le mouvement spontané qui l'a fait élire en 2002 contre Jean-Marie Le Pen, un mouvement dans lequel les Français issus de l'émigration, notamment les Maghrébins, avaient joué un rôle décisif, tout comme les combattants indigènes avaient aidé à libérer la France. C'est un échange de bons procédés, car il ne faut pas l'oublier, les Français d'origine maghrébine représentent désormais un réservoir électoral.