Il s'appellera désormais «Organisation d'Al Qaîda au pays du Maghreb islamique». Dans un communiqué daté de mercredi et mis en ligne sur les sites «hébergeurs» du Gspc le vendredi, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, allié d'Al Qaîda depuis le communiqué du 11 septembre 2006, a annoncé avoir changé de nom sur «ordre» d'Oussama Ben Laden, et que le groupe annonce à tous les musulmans en Algérie et à l'extérieur qu'il a renoncé, définitivement, à son ancienne appellation et se nomme désormais, l'Organisation d'Al Qaîda au pays du Maghreb islamique. «Après le ralliement du Gspc à l'organisation d'Al Qaîda et après avoir prêté allégeance au lion de l'Islam, Oussama Ben Laden, que Dieu le garde, il était absolument nécessaire que le groupe change de nom pour montrer la véracité de la liaison des moudjahidine en Algérie avec leurs frères d'Al Qaîda», écrit le groupe. «Mais nous avons dû consulter cheikh Oussama Ben Laden qui a transmis son ordre et son choix.» Il y a plusieurs mois, lors des premiers contacts avec Al Qaîda, par l'intermédiaire de Abou Mossaâb al-Zarkaoui, qui a été à l'origine de la connexion Gspc-Al Qaîda, il était question de changer le nom du Groupe salafiste par celui, plus pompeux, de «Qâidate al-jihad fi bilad al-Barbares», pour donner le change à «Qâidate al-jihad fi bilad ar-Râfidaine», dirigé à l'époque par Abou Mossâab al-Zarkaoui, et, depuis juin 2006, par Abou Hamza al-Mouhadjer, un Egyptien expert en explosifs, comme Abdelmalek Droukdel, le chef actuel du Gspc. Ne s'agissant pas d'un simple luxe sémantique, il y a lieu de s'attendre à de nouvelles mutations du mode opératoire du Gspc, avec cette tendance déjà perceptible d'expansion et de prolifération du djihad et son essaimage à travers tout le Maghreb arabe. Les incidents de Grombalia, en Tunisie, ont déjà donné un aperçu sur ce que sera la phase à venir du terrorisme islamiste. Le groupe tunisien, qui a été neutralisé en deux temps, le 23 décembre 2006, puis le 3 janvier 2007, a mis à nu un vaste réseau dont les pièces-maîtresses et les exécutants étaient certes sur place, mais dont les plans avaient été planifiés un rang plus haut. Le réseau était aussi constitué, outre des Tunisiens, d'un Mauritanien et de Tunisiens qui venaient de rentrer d'Algérie, où ils étaient vraisemblablement à l'écoute des directives du Gspc, considéré désormais comme le représentant exclusif d'Al Qaîda non pas uniquement dans la région du Maghreb, mais aussi dans la vaste bande du Sahel. De la sorte, et agissant par une sorte de procuration, le Gspc peut à tout loisir perpétrer des attentats ou planifier des modus operandi selon les besoins et les intérêts de l'heure, en s'inscrivant dans la logique de l'organisation d'Oussama Ben Laden, et sans avoir à consulter constamment la branche-mère. Coup d'éclat ou stratégie de redéploiement, l'attentat de Bouchaoui continue de poser un véritable problème aux services de sécurité, en mettant en relief un Gspc usant d'un «couloir» qui va du Sahel, à l'extrême sud, au littoral algérois, dans le nord. Depuis quelques années, le groupe algérien s'est replié aussi le long des frontières du Sud. On avait signalé la présence de près de 200 combattants affiliés à ce groupe qui tran sitent entre Kidal et le nord du Mali, le Ténéré, au Niger, et dans le désert du Tibesti, au Tchad, où la parenthèse du coup de froid avec les groupes rebelles tchadiens, née de la livraison de Ammari Saïfi aux autorités algériennes, semble avoir été fermée. La vaste bande saharo-sahélienne, abandonnée par les gouvernements locaux, sert de no man's land aux trafiquants de tout bord et sous-tend une guerre pour le contrôle du trafic de drogue et d'armes. Les populations qui y habitent font des offres de service aux groupes les plus influents dans une terre dont le dénuement et la précarité sont affligeants à tous points de vue pour permettre aussi tous les excès. La collusion définitivement établie entre le Gspc et Al Qaîda, après des années de flirt contrarié, est venue tout à coup compliquer les choses dans le Maghreb et la région du Sahel. Depuis qu'il a prêté allégeance à Al Qaîda, le Gspc tente de se donner une plus grande dimension et une envergure transnationale, afin, d'abord, de justifier sa connexion avec l'organisation de Ben Laden, de frapper ensuite, même symboliquement, des puissances comme les Etats-Unis et la France (que Zawahiri avait mis en garde), et de se donner de l'aura dans le marché surpeuplé des groupes djihadistes transnationaux. Le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc) doit devenir «l'os dans la gorge des croisés américains et français». Cette formule de guerre lancée par le n°2 de l'organisation Al Qaîda, Aymane al-Zawahiri, constitue ce qu'il convient d'appeler en termes de guerre «la stratégie de la menace permanente». Car, on ne sait encore si le Gspc possède la logistique et le savoir-faire de sa branche-mère. Mais quoi qu'il en soit, il est d'ores et déjà certain que tous les djihadistes de la région sont sommés de se soumettre à la direction du Gspc dans les actions à venir.