Le groupe salafiste pour la prédication et le combat a largement gagné son combat médiatique alors que sur le terrain, ses opérations ne sont pas aussi reluisantes. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Jean-Baptiste Mattéi, a déclaré que la France prenait «au sérieux» les menaces du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc), qui a appelé, mardi, les Algériens à combattre les Français. «Ces menaces sont prises au sérieux, elles sont analysées par les services compétents qui traitent des questions de renseignement». «Nous suivons de très près le Gspc et ce qui touche aux activités de ce groupe», a-t-il déclaré en soulignant que «nous prenons les menaces terroristes très au sérieux d'où qu'elles viennent». Jean-Baptiste Mattéi n'a pas voulu donner plus de précision, faisant valoir que «cela touche à des questions de renseignement, et sur ces questions-là nous restons, habituellement très discrets». Mattéi n'a, également, pas fait état d'un renforcement à ce stade des conseils de sécurité aux Français résidant en Algérie. Selon le Quai d'Orsay, environ 40.000 Français, dont de nombreux bi-nationaux, sont enregistrés auprès des services consulaires français en Algérie. Cette brusque montée des craintes françaises intervient après la diffusion d'un communiqué du Gspc, dont l'authenticité reste invérifiable, menaçant de s'en prendre aux Français. Dans un message mis en ligne sur des sites islamistes et intitulé «au peuple algérien musulman», l'émir du Gspc, Abou Moussaâb Abdelouadoud, alias Abdelmalek Droukdel lance: «Combattez les ressortissants de France et les agents des croisés qui occupent notre terre». «Nos pères et nos ancêtres ont combattu la France croisée, qu'il ont expulsée dans l'humiliation», ajoute-t-il, déplorant que «la France, sortie par la porte» revienne «aujourd'hui par la fenêtre» en Algérie. «L'Amérique rentre aussi par la porte pour partager avec la France la spoliation de nos richesses et le contrôle de nos destinées», stigmatisant aussi le président de la République. L'accusant ouvertement de «combattre l'Islam sous la bannière du leader de l'hérésie, les Etats-Unis, et d'avoir noué des liens d'amitié avec l'ennemi d'hier, la France». Le chef du Gspc dénonce «l'axe du Mal conduit militairement par l'Amérique et culturellement par la France, avec le soutien de l'Otan». Le message est daté du 3 janvier, mais reste invérifiable et non authentifié, car les sites du Groupe salafiste sont bloqués depuis plusieurs mois, et les seuls écrits sûrs ne sont disponibles que sur les blogs islamistes, où le Gspc peut, à son aise, balancer des communiqués ou donner des informations, et là encore, la source demeure désespérément inconnue. Le fait certain est que ce communiqué, si communiqué il y a, ressemble, étrangement à un opuscule du Groupe salafiste mais qui date de plusieurs mois. Ecrit dans le sillage du référendum pour la paix et la réconciliation nationale, l'opuscule, intitulé Il n'y a pas de paix sans islam est un écrit de douze pages rédigé par Abou Moussaâb Abdelouadoud. En termes clairs, il énumère les objectifs de son organisation, stigmatise la réconciliation nationale dans ses formes actuelles, dénonce l'hégémonie du couple franco-américain, mais pas dans les termes acérés du communiqué, ainsi que l'Otan, et pose le combat du Gspc non pas dans le chapitre politique, donc de la négociation, mais dans celui, plus inaccessible, du religieux et du sacré, faisant du combat pour l'Islam un moyen et une fin en soi. Quoi qu'il en soit, et comme lors de l'attentat à la bombe contre un bus Toyota transportant des employés de la compagnie américaine Brown Roots et Condor, spécialisée dans la construction, le stratagème du Gspc fait mouche: un impact médiatique considérable. Les agences de presse du monde entier et les rédactions des médias occidentaux annoncent l'information à côté des grands événements du jour, et celle-ci fait le tour de la planète en quelques heures, mettant, de ce fait, sur orbite le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, dont l'effet médiatique, politique et sécuritaire est inversement proportionnel à ses faibles résultats sur le terrain. Le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, dont le ralliement à Al Qaîda a été annoncé par Abdelmalek Droukdel, dit Abou Moussaâb Abdelouadoud, le 11 septembre dernier, a commencé depuis lors à constituer «une menace sérieuse» pour la France, et à être le «bras armé» d'Oussama Ben Laden dans la région sahélo-maghrébine et outre-Méditerranée, après les avertissements brandis par le numéro deux d'Al Qaîda, Ayman al-Zawahiri, de frapper «les croisés américains, français et leurs alliés». Le chef du Gspc dans un de ses derniers communiqués affirmait: «Nous prêtons allégeance à cheikh Oussama Ben Laden (...). Nous poursuivrons notre djihad en Algérie. Nos soldats sont à ses ordres pour qu'il frappe par notre entremise qui il voudra et partout où il voudra. Tout en décidant de rallier Al Qaîda et de prêter allégeance à Ben Laden, nous conseillons à nos frères de tous les autres mouvements jihadistes, partout dans le monde, de ne pas manquer cette union bénie (...) L'Organisation d'Al Qaîda est la seule habilitée à regrouper tous les moudjahidine, à représenter la nation islamique et à parler en son nom», ajoute l'émir du groupe qui considère la France comme son «ennemi n°1». Cette brusque poussée de haine envers la France adoptée par Al Qaîda semble être générée par le Gspc, qui n'a jamais caché sa haine de l'ancien colonisateur. Pour avoir toujours eu des «politiques arabes» mesurées, la France n'a pas, jusqu'après l'affaire du foulard, été dans la ligne de mire de l'organisation d'Oussama Ben laden. Cette nouvelle démarche, résolument anti-française de la part d'Al Qaîda, est bel et bien une concession envers son représentant dans le Maghreb.