Les Nations unies l'ont rendu public, devant le Conseil de sécurité. Le document tant attendu recommande comme prévu de prolonger de deux mois le mandat de la Mission de l'ONU au Sahara occidental (MINURSO), c'est-à-dire jusqu'au 30 avril. En revanche, et contre toute attente, le premier garant de la légalité internationale a suffisamment laissé entendre que l'ONU lâcherait le dossier sahraoui. «Mon représentant personnel (M.Baker) estime que, malgré les indications selon lesquelles le Maroc pourrait être disposé à négocier le plan de paix, il est inutile de poursuivre les discussions sur ce sujet, car le Front Polisario ne veut pas en discuter», écrit le secrétaire général dans son rapport. Et d'ajouter: «Mon représentant personnel estime également que, même s'il y avait des indications que le Front Polisario pourrait accepter de négocier une possible division du territoire, il ne sert à rien de poursuivre, car le gouvernement du Maroc ne veut pas discuter une telle approche.» En somme, une impasse qui risque non seulement de faire revenir à la case départ des négociations, mais, c'est le cas de le dire, aux affres de la guerre. L'on se rappelle que M.Annan avait demandé, il y a deux ans, à l'ancien secrétaire d'Etat américain James Baker, de reprendre les efforts qui lui avaient permis, en 1997, de faire accepter un plan de paix prévoyant notamment l'organisation d'une consultation par référendum de la population. Quatre ans plus tard, ce plan n'a pas marché et les sentiments du SG de l'ONU ont complètement changé. Il a estimé mardi dernier que «le futur du processus de paix au Sahara occidental est plutôt lugubre». Lugubre dans le sens de sombre, car, paraît-il, tout au moins dans l'esprit de Annan, le processus de paix ne pourra aboutir. En effet, il est allé jusqu'à suggérer que l'ONU mette un terme à ses efforts pour trouver une issue à ce conflit vieux de 25 ans. Pour appuyer son « pessimisme réaliste » et en s'adressant au Conseil de sécurité, M.Annan a passé en revue les efforts jusqu'à présent vains pour aboutir à une solution négociée de ce conflit qui oppose le Maroc au Front Polisario, et les quatre options qui, selon lui, restent encore offertes. La première, soutient-on, consiste en une reprise des contacts entre les parties impliquées. La deuxième que le Conseil de sécurité se mette d'accord et impose une solution. La troisième est une suggestion que les possibilités de parvenir, avant la fin de l'année, à un accord prévoyant le partage du territoire de l'ancienne colonie espagnole soient explorées. Aussi bizarre que cela puisse paraître, dans la quatrième, M.Annan suggère purement et simplement que les Nations unies se retirent, «reconnaissant qu'après plus de 11 ans (d'efforts) et près d'un demi-milliard de dollars (dépensés) elles ne parviendront pas à trouver une solution au problème du Sahara occidental». Il écrira en substance: «Nous faisons actuellement face à une situation plutôt lugubre en ce qui concerne le futur du processus de paix au Sahara occidental.» Sachant que ses termes supposent une lourde responsabilité, M.Annan a souligné cependant que «ce jugement sur la situation est pessimiste, mais réaliste». En une phrase, le secrétaire général de l'ONU a affirmé que «les parties n'ont pas manifesté d'intérêt pour coopérer avec les Nations unies que ce soit pour appliquer le plan de règlement ou pour essayer de négocier une solution politique». Au lendemain de la publication de ce rapport, le coordinateur sahraoui avec la MINURSO, M.Mhamed Khadad, a déclaré que le Front Polisario «prend note» des recommandations contenues dans le rapport soumis au Conseil de sécurité et «se réjouit» que les Nations unies «maintiennent toujours sur la table l'option du plan de règlement en tant que solution du conflit». Tout en rappelant que l'obstacle à l'application du plan de règlement «a été l'hostilité du Maroc», M.Khadad a réaffirmé l'«engagement» du Front Polisario «à coopérer» avec l'envoyé personnel du secrétaire général dans «ses efforts en faveur d'une paix juste et durable qui respecte les aspirations du peuple sahraoui». «Toute tentative visant à nier le fait national sahraoui n'a eu et n'aura aucune chance d'aboutir», a averti M.Khadad. Le coordinateur sahraoui a affirmé, en outre que l'engagement du peuple sahraoui en faveur de la paix et son attachement à la construction maghrébine, ainsi qu'à l'unité et au développement de l'Afrique, «font qu'il n'épargnera aucun effort pour aider à l'avènement d'une solution juste et honorable pour parachever la décolonisation du Sahara occidental». Par ailleurs, le conseiller juridique de l'ONU, Hans Corell, qui a voix consultative, a souligné mardi dernier que le Maroc violerait le droit international s'il autorisait des compagnies étrangères à produire et à vendre du pétrole du Sahara occidental sans prendre en compte les intérêts du peuple sahraoui. Réunis pour examiner la question du Sahara occidental peu avant la publication du rapport du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan sur le Sahara occidental, de nombreux membres du Conseil de sécurité ont également averti le Maroc qu'il ne pouvait laisser des entreprises françaises et américaines exploiter le pétrole sur le territoire sahraoui tant que la question du Sahara occidental n'a pas trouvé de solution. Même si à l'issue du débat à huis clos, le Conseil de sécurité n'a pas accepté la requête du Front Polisario demandant à l'ONU d'interdire au Maroc de donner des autorisations à des compagnies étrangères pour la prospection pétrolière au Sahara occidental, «les membres du Conseil ont montré le drapeau rouge au Maroc», ont indiqué des diplomates à New York. Une journée avant, le représentant du Front Polisario auprès de l'ONU, Ahmed Boukhari, avait déclaré dans une interview au quotidien espagnol ABC que les accords signés entre le gouvernement marocain et les entreprises américaine Kerr Mcgee et française TotalFina Elf pour la prospection pétrolière au Sahara occidental «sont absolument illégaux». «Le Maroc n'a pas de souveraineté sur ce territoire et n'a pas le statut de puissance administrant, il n'a, de ce fait, aucun droit de signer des contrats», a relevé M.Boukhari.