Un camion piégé a explosé samedi en fin de matinée, au centre de la capitale irakienne, causant un véritable carnage. Cent trente-cinq morts, plus de 300 blessés, la violence en Irak a atteint le 3 février un nouveau pic dans son enchaînement rendant dérisoires les affirmations des autorités de Baghdad, de même inefficients les multiples plans pour sécuriser la capitale. L'attentat au camion piégé de samedi contre un marché du centre de Baghdad, véritable désastre, souligne de manière sanglante l'échec du gouvernement Al-Maliki à apporter la réponse aux problèmes sécuritaires de la métropole irakienne (sept millions et demi d'habitants). Selon un général irakien responsable de la lutte antiterroriste, qui s'exprimait sur la chaîne officielle Al Iraqia, «le camion contenait au moins une tonne d'explosifs». Le bilan des victimes est lourd, très lourd, pour les Irakiens qui ne voient plus le bout du tunnel. Cet attentat, qui endeuille encore le pays, est venu deux jours après le double attentat à la voiture piégée de Hilla (au sud de Baghdad) qui a ciblé un marché, se soldant par la mort de 73 personnes et près de 200 blessés. En janvier, deux attentats: le 16, contre l'université Al Moustansariyeh, qui a coûté la vie à 70 professeurs et étudiants et faisait 170 blessés, et le 22, toujours à Baghdad, lors d'un double attentat qui a fait 88 morts et 160 blessés. Ceci pour citer les plus spectaculaires d'entre les attentats et attaques qui ont marqué le début de l'année dans la capitale irakienne occasionnant la mort de centaines de personnes et faisant plus d'un millier de blessés. Si 2007 débute de manière aussi sanglante, la fin de 2006 a été tout aussi meurtrière avec, notamment l'explosion le 23 novembre de quatre voitures piégées à Sadr City, banlieue chiite de Baghdad, qui ont fait 202 morts et quelque 256 blessés. De fait, selon des statistiques diffusées par l'ONU en décembre dernier, plus de 16.800 civils ont été tués en 2006 pour la seule ville de Baghdad. L'attentat du samedi est estimé comme étant le deuxième plus meurtrier ayant eu lieu en Irak depuis l'invasion américaine de 2003, au cours d'une seule attaque. Comme il l'a déjà fait lors des précédents attentats, le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, tout en dénonçant «ce crime ignoble», l'a attribué aux «saddamistes (partisans de Saddam Hussein) et aux takfiris (extrémistes sunnites)». Al-Maliki a renouvelé, dans un communiqué, «son engagement à extirper le mal et ses racines». Force, toutefois, est de constater que cet engagement, le même fait à chacun des attentats, tous plus meurtriers les uns que les autres, de M.Maliki est resté jusqu'ici sans répondant, les autorités en place ne parvenant ni à réduire et encore moins à éradiquer la violence qui met à mal la stabilité du pays. De fait, la multitude des plans de sécurité concoctés depuis juillet 2006 pour la capitale irakienne ont tous échoué comme en atteste nettement la vague d'attentats qui secoue Baghdad, notamment depuis l'horrible exécution de l'ancien président Saddam Hussein, un jour de l'Aïd Al Adha. Un énième plan de sécurisation de la capitale, sous l'égide des autorités irakiennes et de l'armée américaine, est en préparation et doit être lancé dans quelques semaines, selon des sources proches du Premier ministère et de l'armée américaine, avec la mission d'éradiquer la violence qui ensanglante chaque jour la capitale. Plus de 50.000 soldats et policiers irakiens appuyés par 35.000 soldats américains, -conformément à la décision du président américain, George W.Bush, de renforcer le potentiel sécuritaire dans la capitale irakienne afin de sécuriser Baghdad la ville- sont chargés d'assurer la sécurité de la ville, mais les renforts américains qui arrivent par petits paquets, ne semblent pas devoir, à terme, rétablir l'ordre à Baghdad. Cela d'autant plus que, comme le prévenait un rapport des services de renseignements américains, partiellement publié vendredi, la situation risquait de se dégrader encore davantage en Irak si rien n'était fait pour arrêter les violences confessionnelles, évoquant même des signes de «guerre civile». C'est dire que l'invasion américaine, loin d'apporter paix et démocratie à l'Irak, a plongé le pays dans une longue spirale de violence faisant, ce qui est encore plus grave, ressurgir le spectre de la division ethnique, comme en témoigne le fossé qui se creuse entre chiites et sunnites, entre ces derniers et les Kurdes. Par ailleurs, dans une déclaration à la chaîne officielle Al-Iraqia, le porte-parole du gouvernement irakien, Ali Dabbagh, a affirmé que «50% des terroristes qui commettent des attentats en Irak venaient de Syrie». «Je veux dire à tous les Arabes que ceux qu'ils considèrent comme des moudjahidine viennent de Syrie pour tuer le peuple opprimé de cette façon», a-t-il souligné en allusion à l'attentat de samedi. Damas a démenti hier les accusations irakiennes, affirmant que celles-ci visaient «à tendre les relations» entre les deux pays, selon une source officielle. «Les déclarations d'Ali Al-Dabbagh sont contraires à la réalité et visent à tendre les relations syro-irakiennes que Damas souhaite renforcer et développer». est-il ainsi affirmé. Notons que le président (kurde) irakien Jallal Talabani a effectué il y a une quinzaine de jours une visite officielle en Syrie, pays avec lequel une série d'accords, notamment sécuritaires, avaient été signés. Mais l'Irak est bien engagé dans une spirale de violence sans fin, comme en témoignent les nouveaux attentats d'hier dans la capitale irakienne qui ont fait au moins, selon un premier bilan, quinze morts.