Le candidat de l'UMP à la présidentielle française chasse sur les terres du Front national. «Aux enfants des harkis qui ont servi la France, qui ont dû fuir leur pays et que la France a si mal accueillis, je veux dire que si la France doit des excuses et des réparations, c'est à eux qu'elle les dit.» Avec de tels propos, le ministre de l'Intérieur français, Nicolas Sarkozy, vient de convier le futur traité d'amitié auquel tiennent les deux chefs d'Etat algérien et français à un enterrement de première classe. Chassez le naturel, il revient au galop. Avec une telle déclaration, le traité d'amitié déjà sérieusement malmené ne verra pas le jour de sitôt. On est aux antipodes de ce qui est apparu comme un sérieux espoir de voir enfin se concrétiser ce projet cher aux deux chefs d'Etat et entretenu par les déclarations optimistes du ministre de l'Intérieur français, lors de son séjour à Alger. S'adressant depuis Toulon, un fief de l'extrême droite française, à ceux qu'il qualifie d'adeptes de la repentance qui refont l'histoire et qui jugent les hommes d'hier, il déclare: «Je veux leur dire: de quel droit demandez-vous aux fils de se repentir des fautes de leurs pères» la repentance? Aux oubliettes. Et il a ajouté: «Des fautes que souvent leurs pères n'ont commises que dans votre imagination.» Ainsi, la colonisation ne serait qu'une élucubration, le fruit de notre imagination, elle n'aurait existé que dans nos rêves...nos cauchemars surtout. Adieu la gégène, adieu la torture, adieu les enfumades. Salan, Bigeard n'ont existé que dans notre imagination. Didouche, Ben M'hidi, Amirouche, qui ont forcé l'admiration de l'armée coloniale française...nos héros, nos martyrs n'ont existé que dans nos rêves. Ce n'est pas une écriture sereine de notre histoire commune que nous propose Sarkozy, juste une amnésie, un refoulement...une psychanalyse commune peut-être. Pourquoi pas au point où nous en sommes? «C'est aux enfants de harkis que la France doit des excuses». C'est donc à ces supplétifs de l'armée française que Sarkozy compte demander pardon, et à eux seuls, s'il est éventuellement porté à la magistrature suprême de son pays par le suffrage universel. C'est à ceux qui ont pris les armes contre leurs frères, qui ont fui leur vraie patrie, l'Algérie, qu'ira la reconnaissance très tardive de l'Etat français. Jadis, parqués dans des centres spécialement aménagés, à l'abri du regard des Français de souche, les harkis, cette plaie française qu'il a fallu tenir cachée durant près d'un demi-siècle, se vide comme un abcès et prend place dans le débat qui anime la présidentielle française et risque d'envenimer les relations franco-algériennes. C'est donc depuis Toulon, un fief du Front national, sensible aux discours racistes et discriminatoires que Sarkozy a de nouveau glorifié la colonisation française ressuscitant les fantômes de la loi du 23 février. «Beaucoup mirent leur énergie à construire des routes, des ponts, des écoles, des hôpitaux», ajoutera-t-il en substance. Discours poujadiste, populiste, ultranationaliste, en bandoulière, le «champion» de l'UMP compte faire de l'ombre au leader de l'extrême droite, Jean-Marie Le Pen, candidat, lui aussi, à la présidentielle et chasser sur ses terres. Une voix est une voix, elle n'a pas de saveur, elle n'a pas d'odeur. Voilà qui est dit et qui aura au moins le mérite d'être clair. La classe politique française a du mal à innover son discours. Insécurité - immigration. Même discours depuis des dizaines d'années pour entretenir l'amalgame et pratiquer le double langage.